Place au Peuple

lundi 31 octobre 2016

...car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre sa propre conscience.

Salut & Fraternité,

          Le 31 Octobre 1517, un dénommé Martin Luther placardait sur la porte de l'Église de la Toussaint de Wittenberg les 95 Thèses par lesquelles il s'opposait, entre autres, au Trafic des Indulgences relancé en 1515 par le Pape Léon X pour, en exploitant la crédulité humaine, renflouer les caisses des États Pontificaux et financer l'achèvement de la Basilique St Pierre. La date et le lieu n'étaient pas choisis au hasard car ils font référence à la Doctrine du Purgatoire permettant d'asservir facilement un peuple vivant dans la précarité permanente et que l'Église maintenait habilement dans l'ignorance. Il s'en est suivi une période d'instabilité dont l'Empire de Charles Quint fit les frais et plus largement l'Europe entière. Aujourd'hui, il est de bon ton de reprendre les mille et un reproches adressés à Luther, dont son soutien actif à l'écrasement de la Deutscher Bauernkrieg (1524-1525)  ainsi que son "Vor den Juden und ihren Lügen" (1543) rédigé trois ans avant sa mort et savamment instrumentalisé par les nazis au 20ème s. Soit, mais il n'en demeure pas moins que son courage face à l'adversité, notamment celle des puissants, reste pour nous un exemple à méditer, pour ne pas dire à suivre.

         Soutenu par Frédéric III de Saxe dit Le Sage, il n'était que très relativement protégé des Tribunaux de l'Inquisition par Charles Quint, ainsi sa vie ne tenait qu'à un fil. Mais devant la Diète réunie à Worms en Avril 1521, il opposa à l'Empereur son refus d'abjurer ses convictions, arguant qu'il faudrait le convaincre de son erreur par "des attestations de l'Écriture ou par des raisons évidentes"(sic) et il eut cette formule devenue fameuse : "...[...] je suis lié par les textes de l'Écriture que j'ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu : je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre sa propre conscience. [...]". Que Martin Luther eut raison ou tort de croire à l'authenticité et à la pleine suffisance des textes bibliques est un autre débat pour lequel chacun verra midi à sa porte. Ce refus de renoncer à des convictions établies par une analyse rigoureusement documentée d'une situation me laisse entendre en écho une autre parole prononcée lors d'un autre procès se tenant à Santiago de Cuba le 16 Octobre 1953. Un procès au cours duquel l'accusé, Fidel Castro, assurant sa propre défense suite à l'échec de l'assaut de la Caserne de la Moncada tenté le 26 Juillet de la même année, termine sa plaidoirie par un retentissant : "...condamnez-moi, peu importe ; l'Histoire m'acquittera."

         Peu leur importaient pour eux-mêmes les conséquence de leurs prises de position, jugées aujourd'hui diamétralement opposées pour les seuls crétins manichéistes, Martin Luther et Fidel Castro renonçaient à se plier l'un au diktat de l'impérialisme romain et l'autre au diktat de l'impérialisme étasunien. La bataille pour conquérir l'hégémonie culturelle par l'éducation populaire si chère à Antonio Gramsci ne peut se livrer que par des femmes et des hommes refusant d'agir contre leurs consciences car liés par les valeurs sur lesquelles ils se basent. Nous voilà à mille lieues des manigances et combines de basse politique destinées à satisfaire les ambitions individuelles de personnes publiques prétendant servir l'intérêt général mais en réalité uniquement focalisées sur leurs réussites personnelles. N'y aurait-il pas là de quoi un méditer en cette fin de quinquennat hollandien s'ouvrant sur une période pré-présidentielles et pré-législatives des plus troubles ?


Que celui qui a des oreilles pour entende entende.


Jn-Mc


 Source Illustration : e-patients