Il n'est pas 5:00, ce n'est pas Paris, à 8:06 Haguenau est déjà réveillée, mais la chanson qui a bercé mon enfance habitera mon esprit jusqu'à 9:06 au cours de cette heure de veille. Prendre du recul et de la hauteur afin de porter un regard nouveau sur cette ville que j'aime depuis un quart de siècle, c'était bien le moins que je puisse lui offrir à l'occasion de son 900ème anniversaire ! Séduit dès la publication du projet, j'avais réservé un créneau au plus vite et à cette heure, le planning affiche complet. Constituer l'un des maillons d'une chaine humaine accomplissant l'acte symbolique de veiller sur la ville durant une heure au lever et au coucher du soleil du 01/01 au 31/12 de l'an de grâce 2015 pourrait sembler dérisoire ou même illusoire. Mais c'est justement le caractère symbolique de l'acte qui fait sens car sans la force des symboles nous perdons toute humanité. Si comme le souligne Claude Lévi-Strauss toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques, l'attention que nous choisissons de porter aux symboles peut constituer un rempart contre la barbarie. Or, toujours selon ce cher Claude, le barbare étant celui qui croit à la barbarie, la construction et la pérennisation de la civilisation tiennent à chacun d'entre nous...
Depuis l'abri du veilleur, la ville apparaît comme un livre posé sur son dos, chaque page reliée à la tranche représentant une ligne de bâtiments séparés par des rues. Ce mille-feuille vertical se développe jusqu'à la forêt et chaque bâtiment d'importance se détache de l'ensemble par sa forme particulière. Les différences de nature et de couleur des toits sont autant de touches de peinture attirant le regard et on pourrait passer des heures à les détailler toutes. La fumée s'échappant des cheminées n'est plus aujourd'hui le seul signe de présence humaine et la lumière, de ci de là encore nécessaire, témoigne de la vie dans cette ruche aux alvéoles hétéroclites. Combien d'histoires se jouent et se rejouent dans ces foyers aux niveaux de vie des plus disparates ? Quels mots à maux s'échangent à l'abri de ces murs et derrière ces fenêtres ? Qui marche, court, roule et pour ce matin là, glisse dans les rues ? Le bruit assourdi des voitures monte jusqu'à l'abri et les cliquetis du chantier de l'éco-quartier Thurot brouillent les quarts sonnés par les cloches. Loin et en même temps très près de la ville, le veilleur ne surveille pas : il s'émerveille ! Le mouvement des êtres peuplant les quartiers laisse apparaître autant d'indices souvent tellement fugaces que l'imaginaire peine à se distancier du réel !
Et puis il y a cette lumière qui, minute après minute, gagne du terrain pour accoucher de l'aurore d'une nouvelle journée au cours de laquelle il y aura forcément du nouveau sous le soleil. Aucun jour ne ressemble au précédent ou au suivant, chaque minute est unique et de là haut, il est infiniment plus aisé d'en percevoir l'évidence. Chaque détail du paysage urbain s'offrant au regard, comme pour se défier de son immobilité, participe ainsi au mouvement constant du jour naissant...
Jn-Mc
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Source Illustrations :
- Collection personnelle- Les Veilleurs de Haguenau - Aurélie Willm
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