Salut & Fraternité,
Dans le Courrier des Lecteurs de leur édition du 02/12/2018, les Dernières Nouvelles d'Alsace publient un témoignage particulièrement réjouissant en ces temps de repli sur soi et de dérive identitaire. Tandis que certains se gaussent et glosent à propos d'assimilation, d'insertion, d'intégration, d'adaptation, ces mots pour devenir Français et même plus largement vivre en France d'autres, loin des projecteurs des médias, font quotidiennement démonstration qu'un vivre-ensemble est possible. Il suffit pour cela, que tout un·e chacun·e commence à faire bouger les lignes à son niveau. Alain veut acheter des Bredele au Christkindelsmärik de Strasbourg. Sur la Place Broglie, lieu historique du Marché de Noël, il s'en voit proposer par un marchand ayant "un bel accent que n'aurait pas renié Pagnol" (sic). Or, ce dernier est bien en peine d'expliquer les différentes variantes de bredele aux visiteurs. Du coup, "par sécurité" (sic), Alain se replie sur sa boulangerie sise du côté de la Cathédrale. Établissement tenu par Rachida "pour qui les spritz et autres anisbredle n'ont aucun secret" (sic).
Qu'est ce qui compte le plus ? Que le client, soit ou ne soit pas un Alsacien et/ou un Français dit et/ou autoproclamé de souche ? Que le marchand itinérant de bredele de la Place Broglie soit ou ne soit pas un Provençal et/ou un Français dit et/ou autoproclamé de souche ? Que la boulangère du côté de la Cathédrale, soit ou ne soit pas une Alsacienne et/ou une Française dite et/ou autoproclamée de souche ? Ben, tout d'abord que les bredele soient bons et ensuite que ceux qui les vendent connaissent bien leur produit. Mais pas que, même si nous avons là déjà un bon début. Vous avez certainement remarqué que je n'ai pas mentionné l'origine du prénom de Rachida, la boulangère du côté de la Cathédrale, pour en tirer des conclusions découlant de pures spéculations car je ne la connais ni des pieds ni des genoux. Et pour cause : cela n'a objectivement aucune incidence sur ce qui compte le plus.
Je n'ai pas mentionné l'origine du prénom de Rachida tout simplement parce qu'il n'a rien à voir avec la choucroute. Voilà maintenant 35 ans, à l'époque travailleur immigré du Pays Welche venu s'installer en Alsace, j'ai été confronté durant mes stages à un parler germanique qui m'était alors particulièrement difficile d'assimiler. À l'hôpital psychiatrique tout le monde, excepté les médecins, causait alsacien. Il n'était d'ailleurs pas rare que les transmissions commencent en français pour très vite se poursuivre en alsacien ! C'est vous dire si, arrivé en fin de première année d'études, j'ai poussé un soupir de soulagement quand j'ai découvert les nom et prénom de mon jury d'examen pratique. Mouloud Aïchour : en voilà au moins un avec qui je vais pouvoir causer français ! Quelle ne fut pas ma stupéfaction d'entendre, le jour de l'examen, le dit Mouloud m'adresser un se voulant rassurant "Salü Jungi, esch kén Àngscht !"*. Et quelle ne fut pas sa stupéfaction de constater qu'en dépit de mon nom à consonance germanique, je ne parlais pas l'alsacien mais tout au plus un très très très sommaire mais joyeux mélange de hochdeutsch et de schwiizerdütsch. Alors, pour revenir à la petite histoire rapportée par Alain, j'ai envie d'exprimer toute ma gratitude à Rachida, la boulangère du côté de la Cathédrale, qui contribue très efficacement à la préservation du patrimoine gastronomique alsacien et surtout à la promotion d'un certain vivre-ensemble !
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.
Jn-Mc
* Salü Jungi, esch kén Àngsht ! = Salut jeunot, n'aie pas peur !
Source Illustration : DNA 02/12/2018
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