Place au Peuple

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vendredi 28 décembre 2018

Nueva Constitución Cubana - Viejo Engaño Americano

Salut & Fraternité,

          Comme l'explique Jose Manzaneda dans Razones de Cuba, les media mainstream diffusent en choeur et tour de bras l'alternative fact selon quoi Cuba fermerait ses portes au mariage homosexuel  alors que Miguel Diaz-Canel affirmait en Septembre que "reconnaître le mariage entre les personnes, sans limitations, répond au problème d'éliminer tout type de discrimination dans la société". Prenant leurs désirs pour des réalités, ces fabricants d'opinion publique, avancent que l'Article 68 de la nouvelle Constitution Cubaine, adoptée récemment après trois mois de débats et de consultations populaires, a été modifié pour en abroger la mention précisant que le mariage est une "union entre deux personnes" sans mentionner de différence de sexes. Or le contenu de cet Article 68 se trouve dans le nouvel article 82 de la version révisée où le mariage est définit comme "une des formes d'organisation de la famille" organisation fondée sur "l'égalité des droits et la capacité juridique des époux", leurs sexes n'étant pas précisés.

          Par ailleurs, l'annonce de l'ouverture d'un débat public visant à définir dans deux ans la famille et le type de personnes susceptibles d'être mariées a très certainement provoqué l'émergence des fantasmes les plus conservateurs chez les cul-bénits étasuniens ! De plus la nouvelle constitution assure un maximum de soutien juridique aux unions non-maritales qui sont dans le pays majoritaires. En regard de tout ceci, où est donc le fameux  "coup dur pour la communauté LGBT de l'île" ? Quid de la cuisante "défaite politique pour Mariela Castro" ? Cette campagne de désinformation propagée par une certaine médiacratie oublie  de préciser que cette nouvelle constitution va être soumise à référendum le 24 Février 2019. C'est plutôt pas mal pour une affreuse dictature communiste forte de 11 millions d'habitants endoctrinés quotidienneme et dont les 9 millions d'électrices et électeurs ont, comme chacun sait, à chaque votation un revolver pointé sur la tempe histoire de ne pas oublier où est leur intérêt...  

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : AJ+
Source Information : Razones de Cuba 


mardi 25 décembre 2018

Karl Barth, der rote Pastor.

Salut & Fraternité,

          Il y une demi-siècle disparaissait le 10 Décembre Karl Barth, théologien suisse de renommée internationale. Né à Bâle en 1886, il passe sa jeunesse dans la capitale confédérale. Issu d'une famille comptant de nombreux universitaires il étudie la théologien à Berne puis à Berlin, Tübingen et Marburg. Nommé en 1911 pasteur de la paroisse de Safenwill, dans le canton d'Argovie au Nord de la Suisse alémanique, il est témoin de la réalité du travail en usine et de nombreuses injustices. C'est là qu'il s'engage dans le courant du christianisme social et s'inscrit au Sozialdemocratische Partei der Schweiz (SPZ) créé en 1888 et dont un réfugié dénommé Vladimir Illitch Oulianov est aussi membre. Suivant de près le déroulement de la première Guerre Mondiale, il déplore le positionnement nationaliste des Eglises optant pour la facilité du suivisme de l'esprit du siècle au détriment de l'approfondissement de la réflexion théologique. D'où son "Der Römanerbrief", long commentaire de l'Epître aux Romains qui dès sa première publication en 1919 lui vaudra l'hostilité de nombreux confrères. Il est alors invité par l'Université de Göttingen (Allemagne) pour y enseigner la théologie réformée. Nommé ensuite à Münster (1925) puis à Bonn  (1930), il est révoqué par les autorités nazies en 1934 et rentre à Bâle où il enseigne jusqu'en 1962.

         Habituellement encensé pour son talent de théologien mais peu mis en lumière pour la personne qu'il était, l'homme Karl Barth apprécierait très certainement qu'on le ré-humanise. Il naît et grandit dans une famille protestante bâloise on ne peut plus classique et petite-bourgeoise. Très marqué par un père théologien, ce dernier n'est pas étranger à sa vocation pastorale. Dotée d'une forte personnalité, sa mère va jusqu'à briser la relation amoureuse qu'il entretient avec Rözy Münger et s'ingénie à le faire tomber entre les mains de Nelly Hoffmann, une jeune fille issue d'une grande famille bâloise. Un mariage malheureux duquel naissent tout de même cinq enfants. Karl entretient une longue relation ambiguë avec sa secrétaire Charlotte von Kirschbaum ce qui fait dire à Denis Müller, l'un de ses biographes, que "les archives disponibles montrent qu'il aurait voulu vivre un ménage à trois". Détesté par la bourgeoisie bâloise, son rapprochement du milieu ouvrier en 1911 lui fabrique une réputation de pasteur rouge. Très engagé dans le christianisme social, allez savoir pourquoi, il n'atteint pas le grade suprême de docteur en théologie ! 

          Karl Barth influence cependant des penseurs tels que Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) anti-nazi actif  qui y laissera sa vie et Jürgen Moltmann  (né en 1926) l'actuel théologien de l'espérance qui commença, au décours de la Seconde Guerre Mondiale, par perdre tout espoir et confiance dans la culture allemande en raison d'Auchwitz et de Buchenwald. Plus jeunes que lui, ces derniers n'ont pas eu à se positionner durant la Première Guerre Mondiale, autre époque sinistre durant laquelle il voit dans la soumission des théologiens libéraux au Kaiser une trahison de la mission initiale de l'Eglise, à savoir annoncer l'Evangile et c'est tout. Il est en 1934, avec Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) et Rudolf Bultmann (1884-1976), l'un des principaux rédacteurs de la Déclaration Théologique de Barmen qui fonde l'Eglise Confessante par opposition à la Deutsche Reichskirche  pronazie tenue par les Deutsche Christen majoritaires dans le pays. Ainsi, la théologie Barthienne cultive-t-elle une dimension sociale et politique clairement à gauche, ce qui lui fait dire après l'annexion de l'Autriche en 1938 que "quiconque prend les armes contre Hitler combat pour l'Evangile". Enseignant à la l'Université de Bonn, il refuse de prêter serment d'allégeance au Führer, ce qui est exigé de tout fonctionnaire ou assimilé. Sa révocation l'oblige alors à rentrer à Bâle où il termine sa vie non sans remous. En effet, plus engagé dans l'aumônerie de la prison que dans la prédication du haut de la chaire de la cathédrale il demeure fidèle au christianisme social. Pire encore pour la bonne société bourgeoise, il refuse d'établir un parallèle entre nazisme et communisme, le premier étant bâti sur la prétendue supériorité d'une "race" sur les autres et le second issu d'un idéal de fraternité. Si le communisme a connu certaines dérives dues à son instrumentalisation par des individus ou des groupes d'individus se trouvant à l'opposé de son essence, le nazisme contient dans son patrimoine génétique les exactions dont il se rend coupable dès les premiers instants de son existence.   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : 133RF

vendredi 21 décembre 2018

Pauvre Ghosn !

Salut & Fraternité,

         Les actes successifs de la tragédie des Gilets Jaunes nous l'aurait presque fait oublier car il a été arrêté à Tokyo le 19/11, surlendemain de l'Acte I des mobilisations des porteurs de camisoles flavescentes. La coqueluche des Nippons s'est faite serrer pour soupçons de malversations financières alors qu'en France les gueux manifestaient d'abord contre les taxes et ensuite pour quelques Dollars de plus. Lui qui était tellement habitué au haut de l'affiche où il tutoyait les étoiles s'est brutalement retrouvé dans un cul de basse fosse du Pays du Soleil Levant. Fini les interviews par des journalistes de publireportage et autres cireurs de pompes car voici venu le temps des interrogatoires menés par la police. Fini le temps des working breakfasts livrés par les meilleurs traiteurs, des déjeuners d'affaires dans les meilleurs restaurants et des dîners de gala dans les palaces car voici venu le temps des trois bols de riz quotidiens. Dieu(x) qu'il a dû souffrir le pauvre Ghosn !

          Qu'il a dû souffrir car la nouvelle est tombée hier sur les téléscripteurs, comme on disait avant l'invention de l'Internet, il devrait très probablement être li-bé-ré de sa cellule de 6,5 m2 du Centre de Détention de Kosuge où durant un long mois il a vécu dans une austérité toute monacale. Libéré contre payement d'une caution à déterminer s'entend car le procès reste à venir. Ben ouais quoi, omettre de déclarer 5.000.000.000 de Yens c.a.d 39.224.366,35 d'€ selon le cours du 20/12/2018 ça signifie avoir les moyens de verser une caution garantissant la liberté conditionnelle ! Près de 2.845 années de SMIC, c'est pas juste une aumône. Carlos Ghosn voit grand, pèse lourd, enfin un peu moins depuis son mois de cure amaigrissante, il doit donc valoir cher !

          Ben oui mais non, c'est à se demander s'il y a encore une justice des riches et une justice des pauvres dans ce pays ! Ah mais c'est vrai, j'avais oublié que l'affaire se déroule dans une monarchie constitutionnelle d'Extrême-Orient et non au sein d'une république occidentale se targuant d'avoir abolit les privilèges ! Alors qu'il s'attendait à être li-bé-ré le pauvre chéri va devoir, suprême affront, passer encore dix jours en zonzon donc pas de Noël au balcon car la justice nippone, que les possédants estiment désormais anti Ghosn, vient de déposer dans ses petits souliers un troisième chef d'inculpation.     Il ne passera pas Noël avec ses proches ce cher homme connu pour son sens aigu de la solidarité familiale : 1.700.000 de $ versés par Nissan à sa soeur en échange d'aucun travail effectif, c'est du même acabit mais encore plus généreux que les modestes 813.440 € bruts encaissés par cette pauvrette de Penelope Fillon. Qui ne serait pas ému face à une telle manifestation d'un si parfait amour fraternel ? Carlos Ghosn n'est pas qu'un homme d'affaire mais aussi un bon samaritain ne manquant pas de ressources et dont les multiples talents vont encore être révélés par l'enquête car comme chacun sait "Il se passe toujours quelque chose à la samaritaine." !     



Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

Source Illustration : France Inter

dimanche 16 décembre 2018

Cultissime !

Salut & Fraternité,

    Depuis le 25 Octobre 2018 à 13h30, soit 51 jours aujourd'hui, se déroule à la Protestantse Kerk sise au n°30 de la Thomas Schwencketstraat du quartier Bethel de Den Haag (La Haye) un culte ininterrompu. Les membres de cette communauté ne sont pas pour autant sous l'emprise d'un délire mystique collectif, mais on peut à juste titre les dire touchés par la grâce car ce qu'ils réalisent est juste magnifique. 

          Rassemblés autour de la famille Tamrazyan venue d'Arménie il y a neuf ans, ils empêchent l'expulsion de ce couple et de leurs trois enfants âgés de 15, 17 et 21 ans en opposant la loi à l'Etat. Une vieille loi néerlandaise interdisant aux forces de l'ordre de pénétrer dans une église durant un culte ou une messe. "Si le père revient dans son pays, il risque la mort. Si nous le laissons ainsi repartir, je ne pourrai plus me regarder dans le miroir." affirme Theo Hettema, président des Eglises Protestantes de La Haye et coordonnateur de cette initiative hors du commun. Concrètement, pasteurs, soutiens et fidèles se relayent 24 heures sur 24 autour de la famille qui participe au culte mais vit aussi dans ce temple réformé et ne peut en sortir sous peine d'expulsion. Plus de 500 pasteurs du pays se sont dits prêts à participer à cette action et ils le font comme ce couple venu avec leur enfant animer deux heures de culte alors qu'ils vivent à 200 km de là. 

          Hayarpi, l'aînée des trois enfants Tamrazyan et porte-parole de la famille explique en néerlandais son attachement au pays : "J'habite ici depuis l'âge de 12 ans et j'ai 21 ans. C'est la période pendant laquelle je me suis construite et développée.". Si les autorités respectent pour l'instant la loi, tout le monde ne l'entend pas de cette oreille. La ChristenUnie, petit parti dit social et fondamentaliste (cherchez l'erreur), membre de la coalition  de centre droit actuellement au pouvoir, appuie cette action mais Leen van Dijke, l'un de ses anciens membres émet des doutes partagés par d'autres protestants, avançant que "Nous vivons dans un Etat de Droit et nous devons nous conformer à la décision du juge. Refuser d'y obéir peut être une menace pour l"Etat de droit.". Mais peut-être a-t'il oublié l'histoire du prophète Daniel où lui et ses compagnons refusent d'obéir au roi et aux autorités (ch.3 v.1+6 ; ch.3 v.16-18 ; ch.6 v.11) en limitant leur soumission à ce que ne leur interdisait pas leurs convictions. Idem, cette fois-ci dans le Nouveau Testament, pour l'apôtre Pierre dont il est rapporté dans Le Livre des Actes (ch.5 v.29) qu'il enjoint les chrétiens à obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Certains, aujourd'hui, accusent même cette assemblée courageuse d'emprisonner la famille arménienne dans le temple et dans les illusions alors que le but de cette action est de gagner du temps pour plaider à nouveau sa cause auprès des autorités afin de les faire revenir sur leur décision d'expulsion. Theo Hattema répond à ces argumentateurs hypocrites que l'action se déroule dans un cadre légal donc il n'y a rien à craindre quant à la mise en péril de l'Etat de Droit et pour ce qui est du prétendu enfermement de cette famille : "Quelle prison ? L'enfermement est plutôt du côté des partis de la coalition, prisonniers, eux, d'un accord de gouvernement strict. Ce sont eux les vrais prisonniers.". Alors, si vous vous sentez libres et souhaitez apporter votre concours à cette initiative particulièrement humaniste, cliquez ici et puis, reconnaissons-le, toutes ces heures et ces jours qui s'additionnent, c'est tout de même un chouette compte... de Noël !     


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : Réforme n°3780 pg 6

dimanche 9 décembre 2018

Contagion jaunâtre...

Salut & Fraternité,

          S'il n'y a pas l'ombre d'un doute sur le fait que la très large majorité des personnes mobilisées par la mouvement des Gilets Jaunes est constituée d'honnêtes gens dont les revendications sont globalement on ne peut plus honorables, il n'en demeure pas moins que certaines choses deviennent de plus en plus inquiétantes. Mais peut être ai-je tort de m'inquiéter car "Messieurs la comédie Que l'on juge en cet instant, Sauf erreur, nous peint la vie Du bon peuple qui l'entend. Qu'on l'opprime, il peste, il crie, Il s'agite de cent façons, Tout finit par des chansons..." écrivait Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro en 1784. À ceci près qu'à peine cinq années plus tard, c'était une toute autre musique qui se jouait dans les rues de Paris puis du Royaume de France dans sa quasi totalité. Alors au risque de ne pas plaire à tout le monde, ce qui du reste n'a jamais été mon objectif, je préfère demeurer circonspect plutôt que de céder à l'enthousiasme benêt et à sacrifier l'optimisme béat. 

          Hier soir, dans la spéciale de France Inter commentant l'Acte IV de la mobilisation des Gilets Jaunes, un invité à rendu attentif au fait que selon la réponse du Chef de l'État, cette histoire pourrait bien nous faire basculer vers l'extrême-droite. Or, il n'y a maintenant plus à en douter, les VRP et les barbouzes de cette engeance sont à l'oeuvre depuis des mois. Quand je vois certaines banderoles anti-parlementaristes, que le trop de taxes éclipse la justice fiscale et que j'entends La Marseillaise chantée à tue-tête j'ai vraiment du mal à croire que Yellow is the new  red ! Le mouvement est soi-disant sans réels leaders, il n'est visiblement pas encadré mais enfin bon, sans mauvais esprit, le coup du mouvement gazeux on nous l'a déjà fait et on sait maintenant comment ça marche ! Il est hautement improbable que Macronimus-Maximus-Imperator effectue un réel virage à gauche, mais j'aimerais me tromper. Auquel cas je le reconnaîtrais sans peine. Quand son Prime Minister, Édouard (Louis-)Philippe, annonce que le renoncement à des hausses de taxes se fera au prix d'économies à réaliser ailleurs il apparaît clairement que le Kapital ne sera absolument pas inquiété mais par contre les citoyens lambda feront doublement les frais de la mobilisation des Gilets Jaunes. Ce sont bien là tout le mécanisme et les ressorts du jeu pervers auquel se livre le pouvoir depuis bien avant son accession à l'Élysée et son invasion du Palais Bourbon.

          Si l'on jette un oeil, tant à nos frontières qu'au-delà, la contagion n'est plus seulement jaune mais vire au jaunâtre pour parfois même s'afficher clairement brune. En Belgique les revendications sont d'abord sociales, mais l'idée de créer un parti issu du mouvement n'est pas écartée. Aux Pays-Bas, les revendications sont sociales et... identitaires. En Allemagne le jaune est récupéré par Pegida et l'AfD, des mouvements exempts de tout soupçon de rouge et connus pour leur grand respect de la démocratie. En Serbie, c'est un parti anti-européen, anti-gay et antisémite qui s'en est emparé. Alors j'sais pas vous, mais moi, tout ceci me plonge dans la plus grande perplexité. Je me demande même si, partageant peut-être cette analyse, le Golden Boy Élyséen ne va pas pour la nième fois tenter de jouer la carte du FTEBEM c.a.d "Faisons Tous Ensemble Barrage à l'Extrême-Droite" afin de rafler la mise aux Élections Européennes sauf qu'il n'y a qu'un tour et que d'ici là tout peut arriver...

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : L'Express

vendredi 7 décembre 2018

Le Grand Duché make our planet great again !

Salut & Fraternité,

          Loin d'être agréable à dire il faut, honnêteté intellectuelle oblige, le reconnaître car les faits sont têtus : les petits pays affreusement capitalistes jouxtant certaines de nos frontières nous montrent l'exemple ! La Confédération Helvétique nous indique, l'air de rien, le chemin de la vraie démocratie avec son Swiss (way of) Life et sa Politic Ethic. Chemin que nous ne pourrons emprunter qu'au prix d'une VIeme République au régime parlementaire à  large participation citoyenne. Un peu plus au Nord, mais toujours à nos portes le Grand Duché du Luxembourg, horrible trou noir d'évasion fiscale, s'apprête dès l'été prochain à rendre gratuits les transports en commun ! 

          Quand ici des guignols assujettis aux puissances d'argent veulent faire payer la transition écologique à une très large majorité de leurs concitoyens en imposant la double peine aux plus modestes d'entre nous, là-bas les politiques du Parti Démocratique (DP), du Parti Ouvrier Socialiste Luxembourgeois (LSAP) et des Verts (DG) se mettent d'accord pour rendre les transports en commun gratuits sur l'ensemble du territoire. Je ne suis pas sans savoir que le Grand Duché est un pays 112 fois plus petit que le notre, que nous sommes 260 fois plus nombreux que les sujets du Grand Duc Henri de Luxembourg, que la croissance du pays est 4 fois plus forte que la notre, mais tout de même ce ne sont pas des raisons suffisantes pour renoncer à suivre son exemple. L'urgence climatique n'attend pas le dernier métro pour démarrer par moult catastrophes ! Macronimus-Imperator-Rex, se croyant un peu tyrannosaurus rex, a beau jeu de prier Trump-la-Joie de make our planet great again s'il ne commence pas à balayer devant sa porte. Balayer devant sa porte signifiant en l'occurrence "voir et régler ses propres erreurs avant de pointer celles des autres" et non "embastiller tous les gueux s'opposant à une politique particulièrement inhumaine". 

          À l'horizon 2019 le Luxembourg sera le premier pays au monde à rendre les transports publics gratuits. "Great !" serait même capable de s'exclamer le climaticide cheeseburger-addict étasunien. Et ici, au pays des Gaulois Réfractaires, que fait on ? Haro sur les consommateurs d'énergies fossiles, primes bidons pour acheter de coûteuses voitures faussement prétendues propres et autres goodies même pas à la hauteur de ceux distribuées par la Caravane du Tour de France. Si la situation n'était pas si grave, j'aimerais en rire. Et pourtant, la question de la gratuité des transports en commun revient souvent sous différentes formes lors des débats pré-électoraux. Et pourtant elle est expérimenté dans plusieurs villes de France. Mais, comme le dit le proverbe corse : "Personne ne fera boire un âne qui n'a pas soif". Pourquoi l'âne de la Macronie Triomphante n'a-t-il pas soif ? Tout simplement parce qu'il se préoccupe plus des intérêts des possédants quitte à déposséder toujours plus les petits, les obscurs et les sans-grades... 

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc


 Source Illustration : CNews

mercredi 5 décembre 2018

Swiss (way of) Life et Politic Ethic

Salut & Fraternité,

          Le quotidien lausannois Le Temps publiait hier "Le jour où Emmanuel Macron a reculé." en même temps que "Pour un politicien, le désamour du public est une humiliation.", enquête faisant suite à la démission de la socialiste Géraldine Savary et du démocrate-chrétien Guillaume Barazzone. L'une est mise en cause pour des voyages en Russie avec un consul honoraire et milliardaire, l'autre épinglé pour des notes de frais excessives. Mais le libéral-radical Pierre Maudet, poursuivi par le fisc et sommé par son parti de démissionner s'accroche à son siège.

          Trois psychiatres se penchent sur la question, dont un éminent chef de service des Hôpitaux Universitaires de Genève qui met en avant quatre facteurs importants déterminant la capacité de résilience de la personne : sa personnalité, le type d'exposition, son environnement et ses soutiens. De l'exposition d'un scandale découle un désamour du public pouvant provoquer une blessure narcissique générant trois types de stratégies :  rupture et mise en retrait pour ne pas subir de nouvelles blessures et éviter d'entacher les pairs ou bien combat afin de poursuivre la mission confiée ou encore déni de la réalité des faits allant jusqu'au cantonnement dans une position victimaire. Un psychiatre lausannois ajoute que l'habitude des élus à l'exposition publique leur forge une carapace mais leur réputation constituant  un des moteurs de leur fonction une humiliation publique leur est d'autant plus difficile à vivre. Le risque de suicide augmente quand les politiques associent étroitement leur existence à la mission qui leur est confiée et que le réseau de soutien est faible. Chaque décision (renoncer, combattre, nier) renferme, selon un psychanalyste, sa part de gloire et de déshonneur, mais ce qui le révolte c'est la suppression du droit à l'erreur avec pour corollaire le mythe de l'homme irréprochable imposant sa dictature dans les mentalités. La règle de la respectabilité semble avoir pris le pas sur celle de la compétence, conclut-il.

          J'sais pas vous mais moi, quand je lis Le Temps ou La Tribune de Genève, je me dis qu'en matière de démocratie ce fichu mini-pays-maxi-capitaliste n'a pas de leçons à recevoir du pays autoproclamé des droits de l'homme. Et ne venez pas me rebattre les oreilles avec les embrouilles des banques suisses car les nôtres ont aussi de la merde au bâton !  Même si certains s'accrochent à leurs sièges, en Suisse des politiques se retirent lorsqu'ils sont mis en cause dans des affaires parce qu'ils vivent cela comme une blessure narcissique et ne supportent pas le désamour du public. Quid de nos politiques français et notamment des premiers de cordée ? "Crier Macron démission !" et ne pas vouloir vraiment sortir d'un système très largement gangrené c'est tenter une amputation en s'exonérant d'une solide antibiothérapie. Si Macron s'en va, en l'état actuel de nos institutions, il y a fort à parier que la Châtelaine-de-Montretout rafle la mise car il ne faudrait surtout pas s'imaginer que Monsieur-la-République-c'est-Moi parvienne maintenant au pouvoir après les dégâts qu'il a fait ces dernières années à Gauche. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un régime parlementaire avec intervention régulière des citoyens par référendum et possibilité de révoquer les élus s'ils manquent à leurs devoirs ou trahissent leurs engagements. Ceci pourrait, à terme, provoquer l'émergence d'une classe politique vivant comme une humiliation le désamour du public car là franchement chez nous on est très loin du compte.  

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : 24heures

lundi 3 décembre 2018

Vielmols merci, Rachida !

Salut & Fraternité,

          Dans le Courrier des Lecteurs de leur édition du 02/12/2018, les Dernières Nouvelles d'Alsace publient un témoignage particulièrement réjouissant en ces temps de repli sur soi et de dérive identitaire. Tandis que certains se gaussent et glosent à propos d'assimilation, d'insertion, d'intégration, d'adaptation, ces mots pour devenir Français et même plus largement vivre en France d'autres, loin des projecteurs des médias, font quotidiennement démonstration qu'un vivre-ensemble est possible. Il suffit pour cela, que tout un·e chacun·e commence à faire bouger les lignes à son niveau. Alain veut acheter des Bredele au Christkindelsmärik de Strasbourg. Sur la Place Broglie, lieu historique du Marché de Noël, il s'en voit proposer par un marchand ayant "un bel accent que n'aurait pas renié Pagnol" (sic). Or, ce dernier est bien en peine d'expliquer les différentes variantes de bredele aux visiteurs. Du coup, "par sécurité" (sic), Alain se replie sur sa boulangerie sise du côté de la Cathédrale. Établissement tenu par Rachida "pour qui les spritz et autres anisbredle n'ont aucun secret" (sic). 

          Qu'est ce qui compte le plus ? Que le client, soit ou ne soit pas un Alsacien et/ou un Français dit et/ou autoproclamé de souche ? Que le marchand itinérant de bredele de la Place Broglie soit ou ne soit pas un Provençal et/ou un Français dit et/ou autoproclamé de souche ? Que la boulangère du côté de la Cathédrale, soit ou ne soit pas une Alsacienne et/ou une Française dite et/ou autoproclamée de souche ? Ben, tout d'abord que les bredele soient bons et ensuite que ceux qui les vendent connaissent bien leur produit. Mais pas que, même si nous avons là déjà un bon début. Vous avez certainement remarqué que je n'ai pas mentionné l'origine du prénom de Rachida, la boulangère du côté de la Cathédrale, pour en tirer des conclusions découlant de pures spéculations car je ne la connais ni des pieds ni des genoux. Et pour cause : cela n'a objectivement aucune incidence sur ce qui compte le plus.

          Je n'ai pas mentionné l'origine du prénom de Rachida tout simplement parce qu'il n'a rien à voir avec la choucroute. Voilà maintenant 35 ans, à l'époque travailleur immigré du Pays Welche venu s'installer en Alsace, j'ai été confronté durant mes stages à un parler germanique qui m'était alors particulièrement difficile d'assimiler. À l'hôpital psychiatrique tout le monde, excepté les médecins, causait alsacien. Il n'était d'ailleurs pas rare que les transmissions commencent en français pour très vite se poursuivre en alsacien ! C'est vous dire si, arrivé en fin de première année d'études, j'ai poussé un soupir de soulagement quand j'ai découvert les nom et prénom de mon jury d'examen pratique. Mouloud Aïchour : en voilà au moins un avec qui je vais pouvoir causer français ! Quelle ne fut pas ma stupéfaction d'entendre, le jour de l'examen, le dit Mouloud m'adresser un se voulant rassurant "Salü Jungi, esch kén Àngscht !"*. Et quelle ne fut pas sa stupéfaction de constater qu'en dépit de mon nom à consonance germanique, je ne parlais pas l'alsacien mais tout au plus un très très très sommaire mais joyeux mélange de hochdeutsch et de schwiizerdütsch.  Alors, pour revenir à la petite histoire rapportée par Alain, j'ai envie d'exprimer toute ma gratitude à Rachida, la boulangère du côté de la Cathédrale, qui contribue très efficacement à la préservation du patrimoine gastronomique alsacien et surtout à la promotion d'un certain vivre-ensemble !   



Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

* Salü Jungi, esch kén Àngsht ! = Salut jeunot, n'aie pas peur !

 Source Illustration : DNA 02/12/2018

vendredi 30 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie (6)

Salut & Fraternité,

          Féru d'histoire et de géographie en général, Albert Mahuzier s'intéresse aussi aux histoires particulières des petites gens, à leurs espaces et modes de vie. Ce qui lui inspire quelques réflexions philosophiques, comme par exemple lors de la visite du site archéologique de Butrint découvert en 1928 par l'archéologue italien Luigi Maria Ugolini (1895-1936) et en cours d'aménagement en 1964 : "Ce qui frappe dans la visite de Butrint, ce n'est pas tant de savoir que dix civilisations se sont succédées ici, que de constater leur effacement total sous l'implacable attaque de la nature. En cent ans d'abandon, la végétation a tout fait pour étouffer le décor civilisé que les plus rapaces des envahisseurs et la promenade à travers la forêt vierge où les ruines sortent les unes après les autres du fouillis de verdure enchevêtrée est fort romantique, d'un romantisme qui nous pousse à de saines réflexions sur les vanités humaines." (pg 176). Il obtient d'Albtourist la très rare et précieuse autorisation d'y revenir pour y camper afin de réaliser des prises de vue au coucher du soleil. C'est alors l'occasion de passer plus de temps avec les archéologues rencontrés plus tôt : "Démosthène et Spiro, joyeux comme des pinsons, nous firent une réception grandiose. [...] Une première réception avait été organisée dans la pièce d'honneur. Nous trinquâmes avec du raki, accompagné de petites poires sauvages, à l'amitié albano-française, aux futures découvertes archéologiques de nos amis tandis que Janine, très prosaïquement, raccommodait le short de Démosthène, où certains jours se faisaient sentir." (pg 181).

          Ce fameux raki dont il finit par connaître quelques uns des secrets de fabrication : "Nous partîmes de bonne heure, pour longer d'abord le pied de la Morava, jusqu'au village de Boboshtice (=Boboshticë), niché au milieu de magnifiques mûriers couverts de fruits noirs avec lesquels se fabrique le raki le plus apprécié d'Albanie. [...] L'après-midi nous repartîmes à Bobohshtice assister à la récolte des mûres et à à la fabrication du raki. L'opération était fort primitive : les enfants secouaient les arbres, et faisaient tomber les mûres, très mûres, dans la poussière. Ensuite, ils les ramassaient sans grand soin pour les porter à l'atelier de distillation. [...] Mais le spectacle le plus amusant que nous vîmes s'offrit à nous quand nous entrâmes dans l'antre des bouilleuses de cru. De vieilles femmes, toutes de noir vêtues, distillaient ce jus noir, dans de noirs chaudrons, et la pièce obscure où se déroulait l'opération ajoutait encore à nos personnages une saveur de vieilles sorcières. L'alambic était bien primitif. Régulièrement une vieille venait jeter le résidu de mûres écrasées, et un liquide opaque, aux senteurs aigres, s'écoulait tout simplement à travers le village que l'odeur ne gênait pas. Il fallut goûter le premier jus, encore tiède, assez écoeurant, mais délicieusement parfumé, et après avoir félicité et remercié les vieilles sorcières, nous négociâmes l'achat de quelques litres de Raki."  (pg 271 + 279 + 280)

          Les vieilles gens ne manquent pas de surprendre la famille Mahuzier comme, autre exemple, une improbable chorale : "Le guide nous attendait ; il avait entre-temps organisé une attraction en notre honneur. La Chorale des Vieux nous donnerait une sérénade à la Maison de la Culture vers 18h30. Je renâclai : une chorale de vieux ! Nous allions sans doute entendre des vieillards de l'asile nous chanter d'une voix chevrotante les beautés du régime actuel et je partis comme un chien battu, trahi par la famille qui préféra préparer le départ du lendemain. Par pure politesse Louis, Christine et Jacqueline, puis finalement François m'accompagnèrent. Quelle ne fut pas notre surprise de trouver à la Maison de la Culture une élite d'hommes de Korça (=Korcë), des vieux de 40 à 78 ans, en majorité formés au lycées français et dont une grande partie parlait parfaitement notre langue ! Le problème se posait bien différemment de ce que nous avions envisagé. ce n'était plus une corvée mais une soirée de gala et Louis partit chercher son magnétophone. Ce coeur d'hommes était mené par un chef que n'aurait pas désavoué de bons ensembles soviétiques dont la technique avait été très bien assimilée. [..] Nous entendîmes successivement des chants d'amour, des chants de partisans et des hymnes patriotiques. L'orchestre était soutenu par un piano, deux mandolines et une guitare." (pg 284).   (Fin)   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc


          # Si d'aventure ces articles ont suscité en vous l'envie de visiter l'Albanie Alain Mahuzier, le benjamin des neuf enfants d'Albert et Janine, archéologue, cinéaste et conférencier, organise au printemps 2019 un voyage de 15 jours pour 10 personnes maximum intitulé "Le tour de la Grande Albanie" à retrouver sur son site web.   


Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
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vendredi 23 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie (5)

Salut & Fraternité,

          Ce sont les rencontres qu'Albert Mahuzier apprécie par dessus tout au cours de ses expéditions. Si ses films, livres et conférences contribuent très largement à apporter au grand public une meilleure connaissance du monde,  ils n'ont de sens que par leur dimension profondément humaniste. Les conditions réelles de vie des gens rencontrés durant les expéditions ont une importance capitale car le but de la démarche est de raconter le pays en y ayant vécu au plus près de ses habitants.

          En 1964 l'Albanie n'est pas seulement un pays d'émigration mais aussi de remigration. À Vuno "...nous rencontâmes d'anciens émigrés qui avaient fait sinon fortune tout au moins s'étaient constitué un petit magot en France. «La vie était encore assez dure en Albanie, nous avouèrent-ils mais le progrès se manifestait par l'eau et les camions. Ils ne cachèrent pas une certaine nostalgie de leur jeunesse dans ce pays de cocagne qui s'appelle la France, mais maintenant il n'était plus besoin d'émigrer. Le pays nourrissait ses habitants.» C'était le plus bel hommage qui pouvait être rendu à l'Albanie actuelle." (pg 213-214). À Dardhe (=Dardhë) un étonnant comité d'accueil les attend : "Une demi-douzaine de vieux messieurs, impeccablement soignés nous accueillirent à l'américaine, avec de grands tapes dans le dos et de joyeux «Hello !». C'était les émigrés qui avaient fait fortune à Boston et étaient revenus finir leurs jours à Dardhe. Certains avaient passé 30 ans aux États-Unis, un autre 52 ans. La vie américaine avait imprégné leur physique et leurs mâchoires carrées, façonnées par la mastication du chewing-gum étaient typiquement américaines. [...] Grâce à un profond amour du sol natal, la vie en Albanie ne leur semblait pas pénible, au contraire. Ils étaient plus chauvins que les plus chauvins des Albanais, plus hospitaliers que les plus hospitaliers des Albanais. Je profitai de cette occasion pour signaler à mon guide que si l'émigration était sur le plan humain une catastrophe, par contre elle avait élargi l'esprit de milliers d'Albanais, et qu'il ne fallait donc pas la vouer totalement au diable." (pg 272-273). 

          Les retraites des Albanais restés aux pays sont tout de même moins confortables que celles des émigrés remigrés mais... "L'interprète que j'interrogeai me confia que les retraites atteignaient atteignaient 50%, et même 80% du salaire. Il ne fallait donc pas les comparer à cette aumône de misère appelée chez nous la retraite des vieux (minimum vieillesse), mais plutôt aux assurances individuelles, aux retraites des cadres ou aux retraites privées et publiques dont bénéficient de très nombreuses personnes en France. Par contre, reconnaissons que les plus humbles serviteurs de la société étaient mieux traités en Albanie qu'en France, et cette supériorité est une victoire de toutes les républiques populaires." (pg 200). Pour Albert Mahuzier, dont nombre de valeurs procèdent du christianisme-social, la notion de justice sociale n'est pas juste une vue de l'esprit ! À la station thermale de Lixhat (=Llixha) il observe : "Les malades venaient de toutes les couches de la société, par un système de sécurité sociale qui mettait les frais à la charge de la communauté. Il n'y avait donc pas, comme chez nous, ces irritants problèmes de pourcentages de remboursements." pg 239). À Gyrocastre (=Gjirokastër) il découvre l'exercice semi-privé de la médecine un peu à la façon des Sociétés d'Économie Mixte : "Notre interprète qui appartenait à une famille de docteurs ne fit aucun mystère pour nous expliquer qu'un docteur recevait de l'État 12.000 à 14.000 leks par mois, c'est à dire le double du salaire d'un ouvrier, et que par surcroît, il améliorait grandement sa situation avec une clientèle privée. Dans cette république populaire d'Albanie, les docteurs redevenaient donc des «micro-bourgeois» , ce qui me parut une situation assez différente de celle de la corporation médicale en U.R.S.S."(pg 205).                                         (À suivre...)   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
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jeudi 22 novembre 2018

Wos esch dis fur eini ?

Salut & Fraternité,


          "L'Alsace enchantée, cinquante recettes pour sublimer le quotidien", verdammi que voilà un titre qui sent bon le terroir et l'unsri Heimet ! En plus 's kommt fér Winààcht, c'est-y pas une belle idée de cadeau, ma bonne dame ? Alors voyons voir qui a écrit ce recueil enchanteur, Suzanne Roth ou Simone Morgenthaler, forcément ? Nei, Leïla Martin, Leï-la Mar-tin wos esch dis fur eini ? Ben oui ma p'tite dame les temps changent ! Le Stëckelburjer* style de Sür un Siess  est un peu désuet et dans notre coeur le carpe diemisme sündgaüvien de Suzannele n'occupe plus forcément la première place. Cependant, à défaut d'être indémodables les classiques de la littérature culinaire alsacienne du 20ème siècle demeurent incontournables. Dos d'Kerich em Dorf bliet, mais laquelle ? La catholique ou la protestante ? Ach, cette fichue dualité que l'ascenseur de l'histoire alsacienne nous fait retrouver à tous les étages ! 

          Mais là, au 21ème siècle, à l'heure où des Dupont Lajoie médiatico-politiques se déchaînent pour des histoires de prénoms, Leïla Martin dans l'Inconscient ça parle, comme disait Lacan et notamment dans le très jungien Inconscient Collectif ! Leïla Martin est née à Dax, d'une mère marocaine et d'un père franc-comtois. La famille a déménagé plus de trente fois avant de se fixer en Alsace quand Leïla avait quinze ans la faisant ainsi renouer avec son ascendance paternelle Hoenheimoise. Terra incognita jusqu'alors s'Elsass est devenue son pays. Nombreux apprentissages en autodidacte, intérêt marqué pour la cuisine, multiples rencontres et la voilà qui en 2014 lance un blog et s'inscrit à un concours. Ça marche du feu de Dieu et maintenant elle sort un bouquin avec la  bénédiction de sa seigneurie Pudlowski se la jouant toujours très Curnonsky

          Dans une interview réalisée par Éric Genetet elle s'enthousiasme : "Ce qui est dingue c'est que je viens, avec ma tête d'arabe, raconter la cuisine alsacienne, et vous n'imaginez pas les messages de gratitude, les témoignages que je reçois, c'est hyper émouvant. Les gens sont beaucoup plus ouverts et bienveillants qu'on ne le pense. Ils se sont appropriés mon blog.". C'est d'autant plus méritoire qu'elle ne craint pas l'excommunication pour iconoclastie car elle n'y va pas avec le dos de la cuillère dans ses revisitations des grands classiques : Fleischkiechle à... l'orientale, Biebeleskaes au... safran & citron confit, Linzertörte à la... mirabelle, Tian de légumes d'été à la tapenade et au... Munster blanc, Empanadas de... choucroute au tofu fumé et aux épices, Schneckekueche... au pesto de noix, Comté et bacon ou alors la variante pesto de basilic, tomates confites et mozzarella, Grumbeerekiechle de... patate douce à la coriandre et au gingembre pour n'en citer que quelques uns. En fait, la cuisine c'est comme la génétique : les mélanges font des enfants plus grands et plus intelligents. Par ces temps de replis sur soi généralisé, Leïla Martin nous sauve assurément de la consanguinité culinaire ! 

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

Source Illustration : Je vais vous cuisiner

NB : Samedi 01/12/2017 Séance de dédicaces à la Maison de la Presse à Haguenau de 15:00 à 17:00
*Stëckelburjer = membre de la bourgeoise strasbourgeoise assez aisé pour se promener avec une canne.

vendredi 16 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie (4)

Salut & Fraternité,

          Comme dans tous ses voyages, Albert Mahuzier s'intéresse aux pratiques culturelles et religieuses des  peuples qu'il rencontre. En 1964, l'Albanie n'est pas encore le premier pays au monde se déclarant officiellement athée. Ce sera le cas à partir de 1967 et jusqu'à sa Constitution ratifiée par référendum en 1998 où la République d'Albanie se définira alors comme un État laïc qui "observe la liberté des croyances religieuses et créé des conditions pour l'exercer." (Art. 7). Aimant à jouer au Candide, le chef de l'expédition raisonne de la façon suivante : "Le marxisme-léninisme est fondamentalement athée mais, Lénine n'a-t-il pas pas déclaré avec autorité qu'une religion clandestine était plus dangereuse qu'une religion déclarée . Ainsi pourquoi brimer des religions qui ont rendu service à une certaine époque puisqu'elles disparaîtraient d'elles-mêmes devant les bienfaits (?) d'une instruction publique obligatoirement athée ?" (pg 62). À la lecture de ceci on peut supposer qu'Albert Mahuzier a connaissance de certains textes de Lénine dont celui de 1905 intitulé "Socialisme et religion" et celui de 1909 intitulé "De l'attitude du parti ouvrier à l'égard de la religion", pourtant il n'est pas communiste pour un kopek et fréquente régulièrement les églises. Chercher à comprendre le raisonnement d'autrui et à s'approprier le socle de connaissances sur lesquelles il fonde son opinion ou sa croyance est une démarche témoignant d'une ouverture d'esprit n'interdisant pas de nourrir et d'affirmer ses propres convictions.

          À la manière d'un ethnographe, Albert Mahuzier collecte des informations sur les modes de vie des peuples et les systématise : "Il est très vraisemblable que sur les 45.000 habitants de Shkodër, il y a quelques incroyants, ne serait-ce que les membres du parti du travail, si ce dernier essaie d'imposer l'athéisme doctrinal. En supposant d'après les chiffres qui m'ont été fournis, le P.P.SH (Parti du Travail Albanais) ne représente pas plus de 15% de la population du pays, il resterait alors environ 35.000 croyants dont 24.000 musulmans et 11.000 catholiques." (pg 79). La famille Mahuzier rencontre des gens de toutes confessions et de toutes opinions. Les échanges, toujours respectueux, sont d'une grande richesse. Lors de la visite d'un Téqué, monastère Bektashi, ils rencontre des Soufis qui leur font bon accueil. "Ce sont en somme des musulmans réformés qui ne se tournent pas vers la Mecque pour prier, n'admettent pas le Coran et suivent plusieurs règles de jeûne qui leur sont propres. [....] Le gouvernement actuel n'avait pas tenté de détruire systématiquement les religions, et les Bektachis jouissaient d'une certaine considération en raison de leur attitude patriotique pendant les guerres et les occupations étrangères. [...] Il y avait ici quatre moines et quelques laïcs mais pas de femmes. Ils vivaient tous du produit de leur travail : culture, élevage, auquel venaient s'ajouter quelques aumônes. Le gouvernement ne les brimait pas parce qu'ils respectaient son autorité et se conformaient aux exigences d'un régime qui refuse les parasites. Organisés en coopératives de production, ils étaient incorporés à la vie normale du pays." (pg 221-222). Idem pour les Chrétiens dont ils rencontrent les branches catholiques et orthodoxes. "Il y avait encore un pope et cinq moines. Mais ils étaient assimilés à des coopérateurs et travaillaient les terres du monastère pour pouvoir subsister. J'avais déjà entendu parler, à mots couverts, d'un régime similaire en U.R.S.S., mais, en Albanie, nous le vérifiâmes plusieurs fois au cours de ce voyage, la vie monastique s'était maintenue pour les orthodoxes et les musulmans. Les religieux devaient seulement s'incorporer à la vie productive du pays, sans être des parasites à la charge de la société. Après tout, comment vivaient donc nos grandes communautés religieuses du Moyen Âge sinon de cette façon, défrichant, instruisant, recopiant, imprimant, produisant, en un mot, et donnant le plus parfait exemple du «communisme» dans le sens le plus chrétien du terme ?" (pg 127). Nous pouvons opposer à cela qu'il omet la dîme versée par les paysans à l'Église peu importe l'importance de la récolte et que l'imprimerie étant inventée à la toute fin du Moyen Âge (1450) les moines de cette époque là n'eurent guère le loisir d'imprimer par contre en pratiquant bien avant l'heure une certaine forme de photocopie ils étaient très en avance sur leur temps ! Blague à part, la culture générale particulièrement fournie d'Albert Mahuzier lui permet de pointer les similitudes entre certains fondements du christianisme et du communisme. "De chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins.", principe commun au communisme, au socialisme utopique et à l'anarchisme, procède de la description du fonctionnement des premières communautés chrétiennes rapportée par le Livre des Actes des Apôtres (ch.2 v.44-45 & ch.4 v.32-35)...

          Pour ce qui est des Catholiques, leur positionnement vis-à-vis de l'État diffère de celui des Orthodoxes. "Mais la religion catholique n'ayant pas accepté la suzeraineté de la République populaire, ne bénéficierait d'aucun subside. N'ayant pas son siège à Tirana mais à Rome, elle est donc livrée à son sort personnel. Reconnaissons que le clergé catholique ne semblait ne semblait ni plus ni moins miséreux que le clergé orthodoxe. Quant aux édifices de notre culte, je n'en ai pas trouvé un seul qui justifiât sur le plan artistique notre admiration et pas d'avantage un soutien gouvernemental. Presque toutes les églises catholiques ouvertes au culte avaient été restaurées entre 1880 et 1930, et leur décoration intérieure, imprégnée du mauvais goût de cette époque, brillait par une absence totale de beauté. De plus certains tableaux  inspirés par des besoins que nous qualifierons d'attardés nous faisaient sourire, notamment des scènes d'enfer et de punitions célestes destinées à frapper l'âme simple des montagnards mais qu'on se serait attendu à découvrir dans des églises du Moyen Âge plutôt que dans les édifices 1964." (pg 63). S'il se présente comme un Catholique pratiquant, Albert Mahuzier n'en est pas pour autant une grenouille de bénitier et encore moins un cul bénit. Né en 1907, heureusement trop jeune pour être envoyé au front en 1914-1918, engagé dans la Résistance en 1939-1944, parcourant le monde dès 1947 il visite l'Albanie et publie son récit de voyage durant le Concile Vatican II (1962-1965) qui va en quelque sorte humaniser le catholicisme, un peu à la façon du socialisme à visage humain d'Alexander Dubcek (1921-1992) qui en 1968 n'eut pas du tout l'heur de plaire Léonid à Brejnev (1906-1982) ! Ce voyageur infatigable, est donc un progressiste toujours en avance sur son temps et on peut facilement imaginer sa réaction de père de neuf enfant s'il était confronté aujourd'hui aux multiples révélations de scandales pédophiles mettant à bon droit l'Église en accusation...    (À suivre...)   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
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vendredi 9 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie (3)

Salut & Fraternité,

          S'acquittant d'une mission confiée par la Légation Française à Tirana, Albert Mahuzier évalue l'état du cimetière militaire français de Korça, aujourd'hui Korçë, où la France avait institué une éphémère région autonome de 1916 à 1920, protectorat où eut cours le Franc Albanais et où l'on cultive encore aujourd'hui le souvenir de cette époque, notamment grâce au lycée français Raqi Qirinxh créé en 1917, année de La Chanson de Craonne...

          "Le 18 mars 1915 se déclenchait dans les Dardanelles une attaque navale franco-britannique, accompagnée le 25 avril du débarquement d'un corps expéditionnaire. Cette opération derrière laquelle se tenait tout d'abord un Premier Lord de l'Amirauté, tout jeune alors, un certain Winston Churchill, se solda par de terribles pertes, sur terre et sur mer. L'espoir de couper l'Allemagne et l'Autriche de la Turquie, leur alliée, s'évanouit neuf mois plus tard dans un rembarquement admirablement camouflé, en décembre 1915. Cette première tentative d'un second front fut donc un échec retentissant. (pg 259) [...] l'année 1915 se termina partout par des échecs alliés. La vague germano-turque submergeait les Balkans, sauf en deux points : Salonique et Corfou. Ce à quoi j'ajouterai, en ce qui nous concerne ici, que l'Albanie, une fois de plus, avait servi de champ de bataille pour des intérêts qui n'étaient absolument pas les siens, ni d'un bord ni de l'autre. (pg 260)

          [...] À la fin de l'année 1912, Korça était occupée par les troupes grecques qui durent l'évacuer en 1913 sous la pression des grandes puissances. Occupée de nouveau par les Grecs au début de la guerre mondiale, la ville fut abandonnée encore une fois par ses envahisseurs au début de l'année 1916, [...] Les autorités françaises peu après l'occupation proclamèrent l'indépendance de Korça, sous la forme d'une république, et donnèrent à ce petit état un parlement et une administration. [...] Un seul nom, un seul détail fixeront les esprits. Enver Hodja, leader actuel de l'Albanie, a été élève, puis professeur au Lycée Français de Korça. Pendant les huit jours de notre séjour à Korça, nous devions retrouver partout les traces de ce passé glorieux pour la France qui n'en a tiré aucun avantage matériel mais dont la culture gréco-latine et l'humanisme ont marqué une génération entière. (pg 260-261). 

         Le colonel Descoins qui dirigeait les opérations militaires, tout en se montrant un excellent administrateur civil, eut contre lui les Grecs, furieux de voir leur échapper ce territoire qu'ils considéraient comme leur, les Italiens, qui voyaient s'évanouir l'espoir d'une annexion immédiate de l'Albanie et même les chefs de bandes albanais, les Comitadjis, auxquels la tranquillité retirait une activité profitable. C'est dire si cette république éphémère de Korça et le lycée français à ses débuts eurent de farouches adversaires. (pg 261)"  Pour revenir à la visite du Cimetière militaire Français de Korça, mission initiale confiée à Albert Mahuzier, ce dernier le trouve entretenu mais fermé et en fait quelques prises de vue. Y sont inhumés soldats coloniaux et soldats de la métropole dont je vous invite à lire les noms en cliquant ici. Soldats auxquels nos cérémonies du 11 Novembre négligent habituellement de rendre hommage. Pourtant, la première armistice de ce conflit mondial fut demandée par la Bulgarie le 29 Septembre 1918, suivie par la Turquie le 30 Octobre et l'Autriche le 3 Novembre, concluant ainsi les combats sur le Front d'Orient avant l'Armistice du 11 Novembre signée à Rethondes sur le Front Ouest...        (À suivre...)

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

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