Salut & Fraternité,
Ce sont les rencontres qu'Albert Mahuzier apprécie par dessus tout au cours de ses expéditions. Si ses films, livres et conférences contribuent très largement à apporter au grand public une meilleure connaissance du monde, ils n'ont de sens que par leur dimension profondément humaniste. Les conditions réelles de vie des gens rencontrés durant les expéditions ont une importance capitale car le but de la démarche est de raconter le pays en y ayant vécu au plus près de ses habitants.
En 1964 l'Albanie n'est pas seulement un pays d'émigration mais aussi de remigration. À Vuno "...nous rencontâmes d'anciens émigrés qui avaient fait sinon fortune tout au moins s'étaient constitué un petit magot en France. «La vie était encore assez dure en Albanie, nous avouèrent-ils mais le progrès se manifestait par l'eau et les camions. Ils ne cachèrent pas une certaine nostalgie de leur jeunesse dans ce pays de cocagne qui s'appelle la France, mais maintenant il n'était plus besoin d'émigrer. Le pays nourrissait ses habitants.» C'était le plus bel hommage qui pouvait être rendu à l'Albanie actuelle." (pg 213-214). À Dardhe (=Dardhë) un étonnant comité d'accueil les attend : "Une demi-douzaine de vieux messieurs, impeccablement soignés nous accueillirent à l'américaine, avec de grands tapes dans le dos et de joyeux «Hello !». C'était les émigrés qui avaient fait fortune à Boston et étaient revenus finir leurs jours à Dardhe. Certains avaient passé 30 ans aux États-Unis, un autre 52 ans. La vie américaine avait imprégné leur physique et leurs mâchoires carrées, façonnées par la mastication du chewing-gum étaient typiquement américaines. [...] Grâce à un profond amour du sol natal, la vie en Albanie ne leur semblait pas pénible, au contraire. Ils étaient plus chauvins que les plus chauvins des Albanais, plus hospitaliers que les plus hospitaliers des Albanais. Je profitai de cette occasion pour signaler à mon guide que si l'émigration était sur le plan humain une catastrophe, par contre elle avait élargi l'esprit de milliers d'Albanais, et qu'il ne fallait donc pas la vouer totalement au diable." (pg 272-273).
Les retraites des Albanais restés aux pays sont tout de même moins confortables que celles des émigrés remigrés mais... "L'interprète que j'interrogeai me confia que les retraites atteignaient atteignaient 50%, et même 80% du salaire. Il ne fallait donc pas les comparer à cette aumône de misère appelée chez nous la retraite des vieux (minimum vieillesse), mais plutôt aux assurances individuelles, aux retraites des cadres ou aux retraites privées et publiques dont bénéficient de très nombreuses personnes en France. Par contre, reconnaissons que les plus humbles serviteurs de la société étaient mieux traités en Albanie qu'en France, et cette supériorité est une victoire de toutes les républiques populaires." (pg 200). Pour Albert Mahuzier, dont nombre de valeurs procèdent du christianisme-social, la notion de justice sociale n'est pas juste une vue de l'esprit ! À la station thermale de Lixhat (=Llixha) il observe : "Les malades venaient de toutes les couches de la société, par un système de sécurité sociale qui mettait les frais à la charge de la communauté. Il n'y avait donc pas, comme chez nous, ces irritants problèmes de pourcentages de remboursements." pg 239). À Gyrocastre (=Gjirokastër) il découvre l'exercice semi-privé de la médecine un peu à la façon des Sociétés d'Économie Mixte : "Notre interprète qui appartenait à une famille de docteurs ne fit aucun mystère pour nous expliquer qu'un docteur recevait de l'État 12.000 à 14.000 leks par mois, c'est à dire le double du salaire d'un ouvrier, et que par surcroît, il améliorait grandement sa situation avec une clientèle privée. Dans cette république populaire d'Albanie, les docteurs redevenaient donc des «micro-bourgeois» , ce qui me parut une situation assez différente de celle de la corporation médicale en U.R.S.S."(pg 205). (À suivre...)
En 1964 l'Albanie n'est pas seulement un pays d'émigration mais aussi de remigration. À Vuno "...nous rencontâmes d'anciens émigrés qui avaient fait sinon fortune tout au moins s'étaient constitué un petit magot en France. «La vie était encore assez dure en Albanie, nous avouèrent-ils mais le progrès se manifestait par l'eau et les camions. Ils ne cachèrent pas une certaine nostalgie de leur jeunesse dans ce pays de cocagne qui s'appelle la France, mais maintenant il n'était plus besoin d'émigrer. Le pays nourrissait ses habitants.» C'était le plus bel hommage qui pouvait être rendu à l'Albanie actuelle." (pg 213-214). À Dardhe (=Dardhë) un étonnant comité d'accueil les attend : "Une demi-douzaine de vieux messieurs, impeccablement soignés nous accueillirent à l'américaine, avec de grands tapes dans le dos et de joyeux «Hello !». C'était les émigrés qui avaient fait fortune à Boston et étaient revenus finir leurs jours à Dardhe. Certains avaient passé 30 ans aux États-Unis, un autre 52 ans. La vie américaine avait imprégné leur physique et leurs mâchoires carrées, façonnées par la mastication du chewing-gum étaient typiquement américaines. [...] Grâce à un profond amour du sol natal, la vie en Albanie ne leur semblait pas pénible, au contraire. Ils étaient plus chauvins que les plus chauvins des Albanais, plus hospitaliers que les plus hospitaliers des Albanais. Je profitai de cette occasion pour signaler à mon guide que si l'émigration était sur le plan humain une catastrophe, par contre elle avait élargi l'esprit de milliers d'Albanais, et qu'il ne fallait donc pas la vouer totalement au diable." (pg 272-273).
Les retraites des Albanais restés aux pays sont tout de même moins confortables que celles des émigrés remigrés mais... "L'interprète que j'interrogeai me confia que les retraites atteignaient atteignaient 50%, et même 80% du salaire. Il ne fallait donc pas les comparer à cette aumône de misère appelée chez nous la retraite des vieux (minimum vieillesse), mais plutôt aux assurances individuelles, aux retraites des cadres ou aux retraites privées et publiques dont bénéficient de très nombreuses personnes en France. Par contre, reconnaissons que les plus humbles serviteurs de la société étaient mieux traités en Albanie qu'en France, et cette supériorité est une victoire de toutes les républiques populaires." (pg 200). Pour Albert Mahuzier, dont nombre de valeurs procèdent du christianisme-social, la notion de justice sociale n'est pas juste une vue de l'esprit ! À la station thermale de Lixhat (=Llixha) il observe : "Les malades venaient de toutes les couches de la société, par un système de sécurité sociale qui mettait les frais à la charge de la communauté. Il n'y avait donc pas, comme chez nous, ces irritants problèmes de pourcentages de remboursements." pg 239). À Gyrocastre (=Gjirokastër) il découvre l'exercice semi-privé de la médecine un peu à la façon des Sociétés d'Économie Mixte : "Notre interprète qui appartenait à une famille de docteurs ne fit aucun mystère pour nous expliquer qu'un docteur recevait de l'État 12.000 à 14.000 leks par mois, c'est à dire le double du salaire d'un ouvrier, et que par surcroît, il améliorait grandement sa situation avec une clientèle privée. Dans cette république populaire d'Albanie, les docteurs redevenaient donc des «micro-bourgeois» , ce qui me parut une situation assez différente de celle de la corporation médicale en U.R.S.S."(pg 205). (À suivre...)
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.
Jn-Mc
Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
Retrouvez les autres articles de la série sous le libellé Le Monde vu par les Mahu
Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
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