Place au Peuple

vendredi 30 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie (6)

Salut & Fraternité,

          Féru d'histoire et de géographie en général, Albert Mahuzier s'intéresse aussi aux histoires particulières des petites gens, à leurs espaces et modes de vie. Ce qui lui inspire quelques réflexions philosophiques, comme par exemple lors de la visite du site archéologique de Butrint découvert en 1928 par l'archéologue italien Luigi Maria Ugolini (1895-1936) et en cours d'aménagement en 1964 : "Ce qui frappe dans la visite de Butrint, ce n'est pas tant de savoir que dix civilisations se sont succédées ici, que de constater leur effacement total sous l'implacable attaque de la nature. En cent ans d'abandon, la végétation a tout fait pour étouffer le décor civilisé que les plus rapaces des envahisseurs et la promenade à travers la forêt vierge où les ruines sortent les unes après les autres du fouillis de verdure enchevêtrée est fort romantique, d'un romantisme qui nous pousse à de saines réflexions sur les vanités humaines." (pg 176). Il obtient d'Albtourist la très rare et précieuse autorisation d'y revenir pour y camper afin de réaliser des prises de vue au coucher du soleil. C'est alors l'occasion de passer plus de temps avec les archéologues rencontrés plus tôt : "Démosthène et Spiro, joyeux comme des pinsons, nous firent une réception grandiose. [...] Une première réception avait été organisée dans la pièce d'honneur. Nous trinquâmes avec du raki, accompagné de petites poires sauvages, à l'amitié albano-française, aux futures découvertes archéologiques de nos amis tandis que Janine, très prosaïquement, raccommodait le short de Démosthène, où certains jours se faisaient sentir." (pg 181).

          Ce fameux raki dont il finit par connaître quelques uns des secrets de fabrication : "Nous partîmes de bonne heure, pour longer d'abord le pied de la Morava, jusqu'au village de Boboshtice (=Boboshticë), niché au milieu de magnifiques mûriers couverts de fruits noirs avec lesquels se fabrique le raki le plus apprécié d'Albanie. [...] L'après-midi nous repartîmes à Bobohshtice assister à la récolte des mûres et à à la fabrication du raki. L'opération était fort primitive : les enfants secouaient les arbres, et faisaient tomber les mûres, très mûres, dans la poussière. Ensuite, ils les ramassaient sans grand soin pour les porter à l'atelier de distillation. [...] Mais le spectacle le plus amusant que nous vîmes s'offrit à nous quand nous entrâmes dans l'antre des bouilleuses de cru. De vieilles femmes, toutes de noir vêtues, distillaient ce jus noir, dans de noirs chaudrons, et la pièce obscure où se déroulait l'opération ajoutait encore à nos personnages une saveur de vieilles sorcières. L'alambic était bien primitif. Régulièrement une vieille venait jeter le résidu de mûres écrasées, et un liquide opaque, aux senteurs aigres, s'écoulait tout simplement à travers le village que l'odeur ne gênait pas. Il fallut goûter le premier jus, encore tiède, assez écoeurant, mais délicieusement parfumé, et après avoir félicité et remercié les vieilles sorcières, nous négociâmes l'achat de quelques litres de Raki."  (pg 271 + 279 + 280)

          Les vieilles gens ne manquent pas de surprendre la famille Mahuzier comme, autre exemple, une improbable chorale : "Le guide nous attendait ; il avait entre-temps organisé une attraction en notre honneur. La Chorale des Vieux nous donnerait une sérénade à la Maison de la Culture vers 18h30. Je renâclai : une chorale de vieux ! Nous allions sans doute entendre des vieillards de l'asile nous chanter d'une voix chevrotante les beautés du régime actuel et je partis comme un chien battu, trahi par la famille qui préféra préparer le départ du lendemain. Par pure politesse Louis, Christine et Jacqueline, puis finalement François m'accompagnèrent. Quelle ne fut pas notre surprise de trouver à la Maison de la Culture une élite d'hommes de Korça (=Korcë), des vieux de 40 à 78 ans, en majorité formés au lycées français et dont une grande partie parlait parfaitement notre langue ! Le problème se posait bien différemment de ce que nous avions envisagé. ce n'était plus une corvée mais une soirée de gala et Louis partit chercher son magnétophone. Ce coeur d'hommes était mené par un chef que n'aurait pas désavoué de bons ensembles soviétiques dont la technique avait été très bien assimilée. [..] Nous entendîmes successivement des chants d'amour, des chants de partisans et des hymnes patriotiques. L'orchestre était soutenu par un piano, deux mandolines et une guitare." (pg 284).   (Fin)   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc


          # Si d'aventure ces articles ont suscité en vous l'envie de visiter l'Albanie Alain Mahuzier, le benjamin des neuf enfants d'Albert et Janine, archéologue, cinéaste et conférencier, organise au printemps 2019 un voyage de 15 jours pour 10 personnes maximum intitulé "Le tour de la Grande Albanie" à retrouver sur son site web.   


Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
Retrouvez les autres articles de la série sous le libellé Le Monde vu par les Mahu

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