Place au Peuple

dimanche 25 novembre 2018

When pastors prey....



Salut & Fraternité,


          Dans son numéro du 22/11/2018 l'hebdomadaire Réforme consacre un dossier aux violences faites aux femmes...  dans l'Église. Avec le même franc-parler dont ils ont précédemment usé pour traiter de l'impact de #Me Too sur les églises étasuniennes et de la pédophilie dans l' Église Catholique les auteures des quatre articles ne s'embarrassent pas d'éléments de langages et de périphrases. Les témoignages tels que celui de Colette Fébrissy, psychologue clinicienne, posent clairement la problématique : "Je discute avec elle et elle me raconte les violences qu'elle conjugales subit. La relation est à un stade où des menaces pèsent sur sa vie. Je lui dis qu'elles ne sont pas fortuites et qu'il risque de passer à l'acte. A-t-elle un lieu sécurisé pour se réfugier avec ses trois enfants ? Elle me dit qu'elle peut aller chez sa mère. Je ne la revois plus. Quatre mois plus tard, j'apprends qu'elle a été tuée par son mari. Je me dis que c'est dommage qu'elle n'ait pas entendu mon alerte. Mais en fait, si. Plusieurs années après, j'ai appris qu'elle était bien partie se mettre à l'abri chez sa mère. C'est l'Église qui a fait pression pour qu'elle rentre chez elle. Je ne décolère pas.". Abus de pouvoir ecclésial auquel  la théologienne Valérie Duval-Pujol répond par : "À partir de quand Dieu unit-il deux personnes ? Parce qu'un pasteur l'a déclaré . Qui sommes-nous pour parler au nom de Dieu ? [...] En théologie protestante, le mariage n'est pas un sacrement. S'il est important d'aider les couples à traverser des crises, il faut redire que le couple n'est pas une entité mise au-dessus de tout autre impératif, à commencer par la survie physique ou psychique de chaque conjoint.". Ce qu'a parfaitement compris Guillaume de Clermont lorsqu'il parle d'expérience : "J'étais démuni (face à des femmes victimes de violence conjugale) car nous ne sommes pas très outillés sur le sujet. J'ai raisonné comme un pasteur quant à l'écoute et comme un citoyen pour les démarches. En tant que pasteur, nous avons des relations avec les autorités civiles et judiciaires, j'ai sollicité ces responsables et les ai mis en contact avec ces femmes.". Raisonner comme un pasteur et agir comme un citoyen, voilà une démarche qui évite tout enferment dans de faux dilemmes ayant pour raison cachée le choix de la non-action.

          En Suisse Romande Christel Chapatte, elle même victime, s'en est sortie en fondant "Au-delà des masques" une association dont le nom ne laisse transparaître aucune connotation religieuse tant la problématique est taboue dans l'Église. Depuis 2016 plus de 300 personnes y sont suivies et entre 4 et 5 personnes contactent le site internet chaque semaine depuis janvier 2018 : "Dans une telle relation, nous identifions toutes formes de violences : psychologiques, économiques, spirituelles, sexuelles, physiques. C'est difficile d'imaginer qu'un pasteur est capable de violer sa femme le samedi soir et de prêcher le dimanche matin. Et pourtant, il y en a." Ce à quoi elle ajoute : "Nous avons aussi des hommes victimes de femmes manipulatrices.". Non pour rétablir un quelconque équilibre de toutes façons factice, mais pour faire très honnêtement l'état des lieux. Valli Boobal Batchelor affirme que "Entre 90 et 95% des victimes d'abus sexuels de la part du clergé sont les femmes. Pourtant très peu de choses ont été écrites sur ce phénomène encore plus répandu que celui des abus sexuels commis sur des enfants.". Elle fut chargée par l'ONU de coordonner il y a 5 ans la création d'un rapport intitulé "When pastors prey". Ouvrage au titre jouant habilement sur les mots, to prey on" signifiant "exploiter, choisir ses victimes parmi..., s'attaquer à..." donc à l'opposé de "to pray" traduisible par "prier, implorer, transmettre une requête". Ce travail a très largement scanné les différentes obédiences de la constellation du protestantisme mais aussi les institutions catholiques. Samantha Nelson, l'une des contributrices, précise : "Avec le récent mouvement #Me Too, de nouveaux cas d'abus ont été exposés en pleine lumière, y compris le cas d'abus sexuels commis par des responsables religieux, d'où la naissance du mouvement #Church Too.". Elle a co-fondé avec son mari en 2012 le réseau "The Hope of Survivors" : "L'un des plus gros défis auxquels nous devons faire face est de parvenir à faire comprendre aux gens que ces abus sexuels n'ont rien à voir avec un adultère. Les gens estiment que puisqu'il s'agit d'une victime adulte, il ne peut pas s'agir d'un abus. Mais ils ne tiennent souvent pas compte du déséquilibre de pouvoir entre un membre du clergé et une fidèle.". 

          En Italie, pays où "La violence faite aux femmes est une urgence nationale." car "Chaque année elles sont des milliers à subir la violence des hommes et plus de cent d'entre elles sont assassinées.", des églises évangéliques sont sur le pont. Dora Bognandi rapporte :"Les Églises ne sont pas innocentes, elles ont une grande responsabilité. Et pour cela nous travaillons sur trois fronts : d'abord théologique en cherchant à comprendre les dynamiques qui ont pu renforcer ces stéréotypes, puis ecclésiologique ou comment au sein des communautés les femmes peuvent-elles obtenir la parité des genres en apportant leur talent, leur capacité et leur leadership. Enfin, il est nécessaire de mener, sur le font social, une action culturelle et spirituelle et d'intervenir à travers l'écoute, la formation et l'éducation.". Elle décrit l'engagement de la Fédération italienne des femmes évangéliques remontant à 1988 travaillant de concert avec des associations non-confessionnelles. Nous voilà à des années lumières des culs-bénits étasuniens et brésiliens qui ont très largement contribué à porter au pouvoir d'immondes sexistes tels que Donald Trump et Jair Bolsonaro... 


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

  
 Source Illustration : Réforme n°3778 22/11/2018

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