Place au Peuple

mardi 13 novembre 2018

Le crétin : du pathos à l'insulte. (1/2)

Salut & Fraternité,

          Alfred-Charles Collineau (1832-1894), médecin et anthropologue du 19ème siècle nous a laissé en héritage plusieurs travaux scientifiques allant de la rhumatologie à la psychiatrie. L'étude intitulée "Le crétin" publiée en 1888, soit trois ans après celle consacrée à "L'idiot", témoigne de la même rigueur scientifique. Remarquable travail de synthèse, il rassemble les connaissances médicales de l'époque sur une pathologie heureusement aujourd'hui quasiment disparue des pays développés mais malheureusement plus que jamais très présente dans le dans le raisonnement de nos contemporains... 

          Pour Collineau, le crétin occupe une place particulière dans la classification des dégénérescences. Remontant à Paracelse (1493-1541) il fait état de la succession des recherches sur le sujet. Faisant remonter l'étymologie du terme, selon Georg Ernts Stahl (1659-1734) aux terrains crayeux (creta) où l'on en rencontrerait un grand nombre, il préfère néanmoins se rallier à celle de François-Emmanuel Fodéré (1764-1835) y voyant "la corruption du mot chrétien : chrétien par excellence, inconscient, impuissant béat.". Reprenant la description physique faite par Jules Lunier (1822-1885) et les travaux de Jules Baillarger (1809-1890), il en dégage un triple constat : excès du développement du squelette dans le sens de la largeur, irrégularité de l'évolution dentaire et nonchalance des fonctions locomotrices conjointement à celles de l'entendement, pour en conclure par le caractère sui generis de cette affection. Bénédict Morel (1809-1873) résume le crétinisme à "une affection du système nerveux cérébro-spinal caractérisée par un arrêt du développement qui imprime à l'organisme un cachet typique et entrave plus ou moins les facultés intellectuelles et affectives dans leur évolution.". Se pose alors la question de l'inné et de l'acquis. Selon Eugène Koeberlé (1828-1915), fort de l'observation de 4.888 crétins sardes, et Henri Dagonet (1823-1902) la pathologie survient in utero et se développe principalement durant les deux premières années de la vie. Le crétinisme peut être classifié selon trois degrés. Ainsi distingue t'on à l'époque les "crétins complets", les "semi-crétins" et les "crétineux", associant déficits physiques et intellectuels. Les premiers étant inaptes à la reproduction, à l'inverse des seconds et des troisièmes. Les troisièmes étant les seuls éducables mais de manière restreinte. 

          Jules Baillarger (1809-1890) précise que dans l'idiotie le seul développement du cerveau subit un arrêt alors que dans le crétinisme c'est tout le système nerveux qui est impacté. D'où l'intérêt porté par la médecine au centre nerveux cérébro-spinal, au squelette et aux parties molles.  "L'asymétrie des hémisphères cérébraux, le défaut de consistance de la masse encéphalique, l'atrophie de la moelle épinière sont des particularités qui sautent aux yeux.". Une observation plus fine laisse découvrir dans certains cas "une pie-mère maculée de tâches laiteuses, indice d'inflammations méningitiques anciennes". Le liquide céphalorachidien en quantité surabondante chez macrocéphales n'atteint pas la normale chez les microcéphales. Cette pathologie d'évolution irrégulière, lente ou rapide n'est pas sans conséquence sur la constitution du squelette. Os des membres et du tronc difformes, trop minces, trop épais, inégaux, rabougris s'associent à une boite crânienne précocement ossifiée mais d'une épaisseur "six fois plus considérable ici que là". Collineau s'appuie alors sur les travaux de chercheurs de renommée internationale tels que Guillaume Ferrus (1784-1861), Albert Eulenburg (1840-1917), Eugène Koeberlé (1828-1915), Rudof Virchow (1821-1902), Vincenzo Malacarne (1744-1816), Josef Barnard Davis (1801-1881).

          Chez bon nombre de crétins l'évolution dentaire tardive et irrégulière demeure incomplète. La contractilité musculaire est d'une extrême débilité et l'inertie habituelle des muscles a pour résultat leur atrophie. Le système pileux est d'une indigence générale. Les tissus graisseux sous-cutanés hypertrophiés donnent à la peau un aspect typique. De nombreuses glandes sont également hypertrophiées. Quant aux organes sexuels, quand ils ne restent pas rudimentaires ils parviennent à des volumes énormes. Collineau relève une fois sur deux la présence d'un goitre concomitamment aux autres signes du crétinisme. Ce qui l'amène à se questionner sur les origines de tels troubles.                                                                                                                                                                                 (À suivre...)


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

 Source Illustration : Collection Personnelle


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