Place au Peuple

mardi 9 octobre 2018

Wie ein Kopfstein im Teich.

Salut & Fraternité,

          Quand le neurologue et écrivain Alfred Döblin (1878-1957) parle de la tête de l'espèce humaine il y a tout lieu de penser qu'il maîtrise le sujet. Qui ne serait d'ailleurs pas d'accord avec cette punchline désignant la tête comme l'organe le plus dangereux chez les êtres humains ? Si le coeur a des raisons que la raison ne connaît pas, la tête peut raisonner et déraisonner sans coeur, s'affranchissant ainsi de toute empathie. La défense d'Adolf Eichmann (1906-1962) lors de son procès (1961) en témoignait avec éloquence. "Plus on l'écoutait, plus on se rendait à l'évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser - à penser notamment du  point de vue de quelqu'un d'autre." écrivait Hannah Arendt (1906-1975) qui, suivant méthodiquement le procès, en publia l'analyse dans "Eichmann in Jerusalem : A Report on the Banality of Evil.". 

          L'humaniste et fin observateur de l'espèce humaine qu'est Alfred Döblin fait, comme son oeuvre littéraire en témoigne éloquemment, un usage particulièrement pointu des mots. Or, le lexicophile que je suis ne peut résister au plaisir de discerner dans cet aphorisme döblinien une possible référence au Kopfstein (ou Kopfsteinpflaster), le bon vieux pavé taillé dans la roche, littéralement traduisible en "tête de pierre". Infiniment moins subtile que la tête de chou à la gainsbarre, la tête de pierre laisse présager l'émergence de nombreuses difficultés dans les rapports à autrui. Oui, l'organe le plus dangereux chez l'être humain est bien sa tête. Une tête comparable à un pavé de granit dont la projection en direction d'une autre tête non casquée provoque inévitablement d'importants dégâts et parfois même la mort. 

          Les têtes de pierre, à ne pas confondre avec les têtes dures, font reculer quotidiennement la civilisation et malheureusement il y en a, à dose plus ou moins létale, dans tous les groupes humains. La Kopstein n'écoute personne d'autre qu'elle-même et s'avère totalement réfractaire à tout échange avec autrui. Sous les pavés, la plage s'offrait aux manifestants en Mai 68. Sur le pavé aujourd'hui la rage des 99% piétine et trépigne, snobée par les 1% se pensant invulnérables parce qu'occupant le haut du pavé. Or, ce sentiment de toute puissance animant ces derniers se loge d'abord dans leurs têtes, cet endroit particulièrement dangereux d'eux-mêmes qui au final pourrait bien causer leur perte...


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

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