Salut & fraternité,
Il fallait s'y attendre, mais ça fait tout de même toujours très mal : notre très émotif et facécieux very great ministrer of police déclare ouverte la chasse aux fous. Pas tous les fous car il faut raison garder, mais les fous djihadistes ou les djihadistes fous, c'est selon. Le minister of police, s'assurant le concours de la ministresse de l'industrie pharmaceutique, veut mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres libéraux pour identifier les terroristes potentiels. Tout le monde sur le pont et sus aux délirants mystiques mais exclusivement islamiques. Il est vrai que la patientèle des hôpitaux psychiatriques et des cabinets de psychiatres libéraux en regorge ! Tout comme il est vrai que seuls les délirants mystiques islamiques sont potentiellement dangereux !
Ce cheval de Troie collombien, malgré sa très grossière facture, va assujettir la psychiatrie au tandem police-justice. Non pas qu'il n'existe aujourd'hui aucun lien car la psychiatrie assure et assume depuis toujours une fonction médico-légale, même si ce n'est pas l'essentiel de son activité. Mais cela n'a rien à voir avec le rôle d'indic dont il est maintenant tout simplement question. Commençons par abattre quelques légendes urbaines et campagnardes. Les délirants mystiques ne constituent pas une population importante de notre patientèle et quand dangerosité potentielle il y a, elle ne concerne pas seulement ceux dont la thématique est islamique. Si vous en doutez, souvenez-vous du très chrétien Anders Brevik. Par ailleurs une construction délirante bâtie sur et alimentée par des thématiques religieuses ne conduit pas forcément au crime. De plus, on trouve dans les communautés religieuses, toutes confessions confondues, plus de mystiques extrémistes que dans les hôpitaux psychiatriques et chez les psychiatres libéraux. A mon sens, c'est d'abord dans les églises, synagogues et mosquées qu'il faut aller à la recherche d'éventuels terroristes. Mais bien sûr, là on risque l'incident diplomatique et c'est bien plus facile de stigmatiser la psychiatrie, habituel punching-ball des tenants de l'état policier et de l'extrême-droite.
Oui, c'est bien de stigmatisation de la psychiatrie dont il est maintenant question et cela sous couvert d'une politique de salut public. Nos décideurs ont-ils pensé à l'impact de cette mesure policière sur l'ensemble des patients, de leurs proches et des potentielles personnes hospitalisées et/ou suivies en cabinet libéral ? Tout les efforts d'humanisation menés depuis des dizaines d'années vont se trouver balayés par la crainte, soit de côtoyer sans le savoir un dangereux terroriste, soit d'être à son insu dénoncé à la police par un psychiatre pétochard. Le travail des psychiatres et des équipes soignantes repose sur la confiance. Quand il n'y a pas ou plus de confiance le soin devient contrainte. Ce qui pour certains cas s'avère néanmoins nécessaire et les hospitalisations sous contrainte, bien qu'heureusement toujours minoritaires, ont déjà fait un bond en avant suite à la très sarkozyste loi de 2011. L'intrusion du tandem police-justice dans la galaxie des structures de soins psychiatriques n'est jamais de bon augure. Le minister of police doit donner aux forces de police les moyens de travailler pour remonter efficacement à la source des problèmes de sécurité publique et non mobiliser autour d'épiphénomènes à grands renforts d'effets médiatiques.
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.
Jn-Mc
Source Illustration : Caradisiac