Place au Peuple

vendredi 17 février 2017

Nous ne devons pas être dupes des mots.


          Salut & Fraternité,

         Lorsqu'en 1930, le comte Coudenhove-Kalergi propose à Romain Rolland de prendre la tête d'un projet de pacte européen appelé Pan-Europa  positionné de facto contre l'URSS, l'écrivain s'y oppose en développant un argumentaire dont de nombreux points sont encore d'actualité. Refusant de participer à un jeu de dupes où, sous couvert de grands idéaux de fraternité, le capitalisme rampant va tisser sa toile au détriment des peuples et au profit d'une minorité, Romain Rolland se positionne avec courage et lucidité. Pacifiste et internationaliste cultivant une certaine ambiguïté, il conserve un regard critique aussi bien sur les fondements de son engagement que sur ce(ux) qu'il combat.

         "Le mot international ne vaut pas mieux, en soi, que le mot national, si ce sont les mêmes qui s'en encocardent. Rien n'est plus international que le capitalisme oppresseur, et le moindre danger aujourd'hui n'est pas une Sainte-Alliance des  grands capitaines d'industrie et des grandes bourgeoisies fascistes d'Occident." affirme t'il sans détours. L'Internationale Financière a en Europe ses nervis nommés aujourd'hui Schäubledeprusse, Junckerminator, Barrosoligarque tout comme la Nationale Préférence a en France sa Madone de Saints-Clous. Nous ne devons pas nous laisser duper par les mots, surtout en ces temps de confusionnisme où l'extrême-droite, depuis toujours chien de garde du capitalisme, reprend à son compte des thématiques de gauche pour les repeindre en bleu marine.


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. 

Jn-Mc
          J'ai refusé mon nom au comte Coudenhove et pour son comité d'honneur de Pan-Europa. En dépit des sincères bonnes volontés que lui prêtent l'auréole de leur candeur idéaliste, je vois tapis sous la robe de Pan-Europa trop d'énormes intérêts et trop de menaces pour l'avenir.

          J'ai des raisons de craindre que "ce bloc enfariné" comme disait notre La Fontaine, n'ait pour premier objet l'exploitation du reste de la terre, et pour conséquence finale la guerre contre les autres blocs qu'il aura provoqués. Timeo Danaos... *

          C'est le malheur des temps que nous ayons perdu confiance dans le personnel qui nous gouverne, et - (le plus malheureux) - que cette méfiance soit saine. Car ce personnel est le même que celui qui nous a valu la guerre, et rien ne nous prouve qu'il ait changé. Ses batteries seules ont changé. Il se sert aujourd'hui de la paix, comme hier de la guerre, ainsi que de deux sources de profit alternantes.

          Nous ne devons pas être dupes des mots. Le mot "international" ne vaut pas mieux, en soi, que le mot "national", si se sont les mêmes qui s'en encocardent.

          Rien n'est plus "international" que le capitalisme oppresseur, et le moindre danger d'aujourd'hui n'est pas une Sainte-Alliance des grands capitaines d'industrie et des grandes bourgeoisies fascistes d'Occident.

          Je mets en garde tous ceux qui m'écoutent contre la montée de la Réaction en Europe et je les invite à observer toujours, comme premier symptôme, les menaces contre la Russie. Je n'accepte point une Europe qui n'ait point accepté, sans arrière-pensée, l'URSS.

         Car, quelles que soient les erreurs de celle-ci - (erreurs trop explicables dans un immense pays encerclé d'ennemis, miné de trahisons où la Révolution a reçu de nombreux régimes qu'elle a brisé un héritage accablant de misère, d'ignorance, de corruption et de ruines, qu'il faut liquider) -  quels que soient les échecs auxquels se sont heurtés les grands rêves du début, la pensée d'un Lénine, pure et tranchante comme un glaive - l'URSS reste toujours la barrière indispensable contre la Réaction européenne, le contre-pied nécessaire au fascisme qui, sous toutes ses formes, s'infiltre dans les veines de l'Occident. N'y laissez point toucher.

          Veillez ! Et quelle que soit la paix qu'on vous apporte, montez la garde autour ! Ne vous en déchargez pas sur des hommes dits de confiance ! Une saine démocratie n'est jamais mieux gardée que par elle-même.

          Et souvenez-vous que la guerre a été entreprise (disait-on !) pour être la dernière guerre et fonder la paix ici-bas ! J'ai combattu naguère le bellicisme. Veillez à ce que nous n'ayons pas à combattre maintenant le pacibellicisme !

28/01/1930  
          
       

* citation latine : Timeo Danaos et dona ferentes = Je crains les Grecs, même quand ils font des offrandes.



Source Illustration :  Blog mo(t)saiques2

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