Place au Peuple

vendredi 2 novembre 2018

Le Monde vu par les Mahu - Albanie 1964 (2)

Salut & Fraternité

          Habitués aux pistes par les nombreuses expéditions réalisées en famille depuis 1952, les Mahu devraient effectuer cette mini-expédition sans grandes difficultés. Eux oui, mais leurs véhicules pas vraiment. La vieille Domaine assure péniblement sa mission malgré quelques déboires mais les 4L pourtant plus jeunes ne sont pas vraiment à la noce. Il faut dire qu'en 1964 l'asphalte est loin de couvrir la majorité des routes albanaises. "Entre-temps, la route était devenue un chantier, et une forte banquette raclait régulièrement mon carter à huile, mon pot d'échappement et mon différentiel. Un choc violent ébranla mes dessous. Je m'arrêtais. Ma pauvre Domaine que j'aime tant (232.000 km de vie commune), pissait l'huile à hauteur du frein arrière gauche." (pg 39) rapporte Albert Mahuzier qui, pour les réparations de ses véhicules, fait autant confiance au système D de ses équipiers qu'au génie ses mécanos albanais aptes à résoudre de nombreux problèmes avec peu de moyens. "N'imaginez pas un garage albanais comme un garage de chez nous ! Autour d'une immense cour où se garaient sans ordre apparent tous les véhicules valides, tous propriétés du gouvernement, se dressaient des ateliers modestement équipés. [...] Très complaisamment, vingt mécanos, chaleureux, virent donner leur avis. [...] Un vingt et unième eut une idée, sortir la voiture, fit trente mètres, donna un coup de frein brusque, stoppa ma pauvre auto et en redescendit radieux. Shumë mirë ! (Très bien) Et nous quittâmes le garage... Je n'ai toujours pas compris." (pg 42) écrit-il probablement estomaqué encore bien longtemps après ! 

          Les routes de montagnes sont plus praticables pour les camions, souvent d'origine tchécoslovaque, par les voitures de tourisme, notamment celles issues de la Régie Renault, mais les Mahu ne manquent pas de ressources. "Bientôt François imita Louis et adopta la adopta la marche arrière, roulant capot ouvert pour que le moteur, prévu pour ne jamais chauffer, ne se mette quand même pas à bouillir." (pg 157) explique le chef d'expédition qui lors des montées à trop forte déclivité met tous les passager au pedibus cum jambis. En ville et notamment à Tirana, la capitale, la circulation des véhicules à moteur n'est pas plus dense qu'à la campagne : "Quand nous regagnâmes l'étage supérieur du Dajti, un bruit de volière se fit entendre en-dessous de nous. Par milliers, les Tiraniens et les Tiraniennes déambulaient sur leurs Champs-Élysées, sur les trottoir comme sur la chaussée, sans craindre des automobiles plus que rares et les attelages à chevaux auxquels un panonceau spécial, inconnu de nous, interdit le centre de la ville." (pg 137). Les photos des rues de la capitale rapportes par les Mahu sont particulièrement saisissantes. La probabilité de s'y faire renverser par un véhicule automobile est très proche de celle de se prendre un météorite sur la tête ! 

         Pour Albert Mahuzier, membre entre autres associations du Touring Club de France, le mot tourisme ne s'oppose pas comme aujourd'hui à l'aventure et n'a rien d'artificiel. Recherchant avant tout à parcourir le vrai pays et à rencontrer les vrais gens, il se heurte souvent aux guides imposés par l'État, mais son franc-parler  et son entêtement associées à un très grand respect pour ses hôtes aboutissent toujours à d'heureux dénouements. L'expédition Mahuzier parvient ainsi maintes fois à quitter le sillon tracé par Albtourist pour, hors zones dites stratégiques, se rendre le plus souvent là où il lui plaît d'aller ! Mais ce n'est pas sans moments de tensions comme par exemple à Elbasan où dès l'arrivée il est clairement signifié à l'équipage toutes prises de vue lui est interdite. Un oukase aussi absurde ne va arrêter les Mahu : "Le lendemain, notre accompagnateur avait une mine défaite. Jamais son surnom d'Allô Tirana n'avait été lus mérité. Le téléphone sonnait sans arrêt pour lui. Mais le comité local était intransigeant : toute prise de vue était interdite dans la région d'Elbasan. Je hurlai comme un damné, demandai de rentrer en France, en passant par Tirana pour régler cette histoire ridicule, mais l'interprète offrait sa  bonne volonté. Il allait essayer d'arranger cela. [...] Le temps passait, aucune autorisation n'arrivait. C'est alors que j'eus une idée que je qualifiai (modestement) de géniale. Pourquoi ne pas grimper sur la terrasse de l'hôtel pour enregistrer tout au moins quelques aspects du ravissant décors qui entourait Elbasan. Bientôt Louis, Yves, François et moi, munis d'appareils de cinéma, Jacqueline et Janine d'appareils photos, nous nous trouvâmes sur le toit plat d'où la vue était magnifique. Puis sans aucun mystère, avec la protection antisolaire d'un énorme parapluie noir, nous commençâmes à travailler vers tous les points cardinaux; [...] Il restait maintenant  assuré que, sauf confiscation de nos films à la douane de sortie, nous pourrions dire un mot d'Elbasan et montrer la ville dans nos conférences filmées, ce que je fis remarquer à notre guide de plus en plus démoralisé. Tirana ne rappelait pas !" (pg 228-229).     (À suivre...)

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration & Référence Bibliographique : L'Albanie entrouvre ses frontières par A. Mahuzier 1965 Presses de la Cité
Retrouvez les autres articles de la série sous le libellé Le Monde vu par les Mahu

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