Place au Peuple

lundi 12 novembre 2018

Oh, armer Pfeil...

Salut & Fraternité,

          Depuis la début de sa construction en 1015, elle a vu de toutes les couleurs la Dame en Rose. Comme le rapportait en 1959 René Schickele dans "Werke" in drei Bänden, lors de la Révolution Française sa flèche coiffée in extremis d'un bonne phrygien fut préservée de la destruction prévue initialement par les Jacobins. Oeuvre monumentale réalisée en fer blanc que de l'autre côté du Rhin on appela avec malice Kaffewärmer ! Au siècle suivant, hoppla en 1870 un tir imprécis de l'artillerie prussienne lui tordit la croix revenue orner son sommet. Au 20ème siècle, c'est le Rote Fahne, Drapeau Rouge des Conseils d'Ouvriers et de Soldats qui l'orna du 09 au 22/11/1918 durant l'éphémère Elsäßische Räterepublik. Lui succéda le drapeau tricolore lors de la reprise en main de l'Alsace par l'administration et l'armée française s'asseyant sur l'Article 5 de la Convention d'Armistice. Sous le IIIe Reich la Dame en Rose n'eut pas la vie facile mais conformément au Serment de Koufra, le 23/11/1944 le drapeau tricolore fut à nouveau hissé au sommet de sa flèche. Au 21ème siècle, tout récemment, le 02/11 y flotta le drapeau européen à l'occasion du début des commémorations de la fin de la Première Guerre Mondiale, le 06/11 un colloque se tint à Strasbourg en souvenir de l'Esaßische Raterepublik avec comme partie visible de tous une manifestation itinérante affichant moult Rote Fahnen et le 11/11 que ne vit on pas au petit matin flotter sur la flèche de la cathédrale ? Un Rot un Wiss ! Ce qui scandalisa plus d'un élu et conduisit l'État, propriétaire de l'édifice, à porter plainte contre X. 

          L'espace d'une petite semaine, il s'en est passé de belles dans la capitale alsacienne dont certains occultent sciemment le caractère également européen. Le Rot un Wiss n'est pas le drapeau officiel de l'Alsace mais celui dont se revendiquent les régionalisto-autonomisto-sécessionnistes. Ses couleurs enracinées au coeur du Moyen-Âge nous parlent de l'histoire de l'Alsace bien plus que son actuel emblème issu du relookage en 2003 de celui homologué en 1948. Brandit avec force lors de la création de la Région Grand Est en 2016 il s'affiche de plus en plus en de multiples endroits. Certains, de par ses origines féodales et son instrumentalisation par un régionalisme exacerbé, non seulement lui dénient toute légitimité mais vont jusqu'à le combattre en lui prêtant, comble du ridicule et du paradoxe, un caractère identitaire renvoyant au nationalisme le plus crasse. Sans identité nous ne sommes rien, faut-il le rappeler ? Celles et ceux n'en étant pas concaincu-e-s peuvent en causer avec les sans-papiers. Mais cultiver son identité ne signifie pas plus devenir identitaire qu'aimer son pays reviendrait à virer nationaliste et/ou s'opposer à l'internationalisme. Les raisonnements binaires radicaux sont aussi stupides que l'en-même-temps-tisme systématique. L'existence de tout être humain est jalonnée de paradoxes et de choix. 

          Si un drapeau devrait flotter au sommet de la flèche de la Cathédrale de Strasbourg durant tout ce mois de Novembre 2018, ce n'est ni le rote de l'Elsaßische Räterepublik, ni le rot un wiss de l'Esaß Frei, ni le bleu-blanc-rouge de la République Française, ni le blanc et jaune du Vatican, ni le bleu et or de l'Union Européenne, mais le blanc de la Paix car c'est à cela que nous devons aspirer et cela que nous commémorons le 11 Novembre de chaque année. La Cathédrale de Strasbourg dominant la Grande-Île est inscrite avec elle au Patrimoine Mondial de l'Unesco depuis 1988 et ce n'est pas pour rien que s'y est ajouté l'an dernier en témoignage de la réconciliation franco-allemande la Neustadt. Réclamer le 11 Novembre la présence du drapeau de l'Union Européenne au sommet de la Cathédrale de Strasbourg en lieu et place du Rot un Wiss revient à occulter le sacrifice de combattants venus des autres continents et donc à s'enfermer dans un pré-carré européen ne valant finalement pas mieux que l'Elsaßlanderst. Militer pour la Paix élève les êtres humains bien au dessus du sommet des plus grands édifices tandis que s'enferrer dans des logiques partisanes à géométrie plus ou moins variables les abaisse au ras des pâquerettes... 

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

 Source Illustration : Généanet

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