Place au Peuple

mardi 25 décembre 2018

Karl Barth, der rote Pastor.

Salut & Fraternité,

          Il y une demi-siècle disparaissait le 10 Décembre Karl Barth, théologien suisse de renommée internationale. Né à Bâle en 1886, il passe sa jeunesse dans la capitale confédérale. Issu d'une famille comptant de nombreux universitaires il étudie la théologien à Berne puis à Berlin, Tübingen et Marburg. Nommé en 1911 pasteur de la paroisse de Safenwill, dans le canton d'Argovie au Nord de la Suisse alémanique, il est témoin de la réalité du travail en usine et de nombreuses injustices. C'est là qu'il s'engage dans le courant du christianisme social et s'inscrit au Sozialdemocratische Partei der Schweiz (SPZ) créé en 1888 et dont un réfugié dénommé Vladimir Illitch Oulianov est aussi membre. Suivant de près le déroulement de la première Guerre Mondiale, il déplore le positionnement nationaliste des Eglises optant pour la facilité du suivisme de l'esprit du siècle au détriment de l'approfondissement de la réflexion théologique. D'où son "Der Römanerbrief", long commentaire de l'Epître aux Romains qui dès sa première publication en 1919 lui vaudra l'hostilité de nombreux confrères. Il est alors invité par l'Université de Göttingen (Allemagne) pour y enseigner la théologie réformée. Nommé ensuite à Münster (1925) puis à Bonn  (1930), il est révoqué par les autorités nazies en 1934 et rentre à Bâle où il enseigne jusqu'en 1962.

         Habituellement encensé pour son talent de théologien mais peu mis en lumière pour la personne qu'il était, l'homme Karl Barth apprécierait très certainement qu'on le ré-humanise. Il naît et grandit dans une famille protestante bâloise on ne peut plus classique et petite-bourgeoise. Très marqué par un père théologien, ce dernier n'est pas étranger à sa vocation pastorale. Dotée d'une forte personnalité, sa mère va jusqu'à briser la relation amoureuse qu'il entretient avec Rözy Münger et s'ingénie à le faire tomber entre les mains de Nelly Hoffmann, une jeune fille issue d'une grande famille bâloise. Un mariage malheureux duquel naissent tout de même cinq enfants. Karl entretient une longue relation ambiguë avec sa secrétaire Charlotte von Kirschbaum ce qui fait dire à Denis Müller, l'un de ses biographes, que "les archives disponibles montrent qu'il aurait voulu vivre un ménage à trois". Détesté par la bourgeoisie bâloise, son rapprochement du milieu ouvrier en 1911 lui fabrique une réputation de pasteur rouge. Très engagé dans le christianisme social, allez savoir pourquoi, il n'atteint pas le grade suprême de docteur en théologie ! 

          Karl Barth influence cependant des penseurs tels que Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) anti-nazi actif  qui y laissera sa vie et Jürgen Moltmann  (né en 1926) l'actuel théologien de l'espérance qui commença, au décours de la Seconde Guerre Mondiale, par perdre tout espoir et confiance dans la culture allemande en raison d'Auchwitz et de Buchenwald. Plus jeunes que lui, ces derniers n'ont pas eu à se positionner durant la Première Guerre Mondiale, autre époque sinistre durant laquelle il voit dans la soumission des théologiens libéraux au Kaiser une trahison de la mission initiale de l'Eglise, à savoir annoncer l'Evangile et c'est tout. Il est en 1934, avec Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) et Rudolf Bultmann (1884-1976), l'un des principaux rédacteurs de la Déclaration Théologique de Barmen qui fonde l'Eglise Confessante par opposition à la Deutsche Reichskirche  pronazie tenue par les Deutsche Christen majoritaires dans le pays. Ainsi, la théologie Barthienne cultive-t-elle une dimension sociale et politique clairement à gauche, ce qui lui fait dire après l'annexion de l'Autriche en 1938 que "quiconque prend les armes contre Hitler combat pour l'Evangile". Enseignant à la l'Université de Bonn, il refuse de prêter serment d'allégeance au Führer, ce qui est exigé de tout fonctionnaire ou assimilé. Sa révocation l'oblige alors à rentrer à Bâle où il termine sa vie non sans remous. En effet, plus engagé dans l'aumônerie de la prison que dans la prédication du haut de la chaire de la cathédrale il demeure fidèle au christianisme social. Pire encore pour la bonne société bourgeoise, il refuse d'établir un parallèle entre nazisme et communisme, le premier étant bâti sur la prétendue supériorité d'une "race" sur les autres et le second issu d'un idéal de fraternité. Si le communisme a connu certaines dérives dues à son instrumentalisation par des individus ou des groupes d'individus se trouvant à l'opposé de son essence, le nazisme contient dans son patrimoine génétique les exactions dont il se rend coupable dès les premiers instants de son existence.   


Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.


Jn-Mc

 Source Illustration : 133RF

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