Ce que ma profession doit à Simone Veil.

Salut & Fraternité,

          J'ai pour la première fois entendu prononcer le patronyme de Simone Veil en 1975, l'année de mes onze ans. Je rentrais de l'école et dans la rue une matrone en haranguait une autre depuis le pas de sa porte : "Elle aurait du crever dans les camps cette salope de Veil et ne jamais en revenir !". La haine déformant les visages de ces femmes ordinairement si bienveillantes me glaça le sang. Elle était presque palpable et j'en garde un souvenir tenace. La Loi Veil venait d'être promulguée et c'est seulement à la fin de ma scolarité de collégien que j'en appris le contenu durant les cours de Sciences Naturelles. Par la suite, au lycée, l'éveil de ma conscience politique me conduisit à approfondir le sujet et à mesurer l'envergure de cette femme extraordinaire.

         A l'heure où tout le monde fait son apologie en regard de sa lutte pour le droit à l'avortement, j'aimerais souligner qu'elle se distingua aussi sur d'autres fronts et notamment celui de la reconnaissance du service infirmier. Sous sa première mandature de ministre (1974-1979), le 11/04/1975 elle officialisa par décret la fonction d'Infirmier(ère) Générale devenue aujourd'hui Directeur(trice) des Soins, elle institua par arrêté la Prime dite Veil le 23/04/1975 attribuée aux soignant(e)s, elle mit en avant le rôle propre infirmier par la loi du 31/05/1978 faisant ainsi de nous des professionnels aptes à prendre des décisions de manière autonome dans un champ d'action définit. Pour la psychiatrie elle promulgua de nombreux textes toujours en vue de l'amélioration des soins et de la professionnalisation des soignants. 

          Entre temps, il y eut les grandes grèves de 1988 où sous le slogan "Ni bonne, ni nonne, ni conne" nous obtînmes une nécessaire revalorisation de nos grilles indiciaires et 1992 qui mit fin à la formation d'Infirmier de Secteur Psychiatrique au profit de la filière unique débouchant sur le seul Diplôme d'État d'Infirmier. Sous sa seconde mandature (1993-1995) la revendication des Infirmiers de Secteurs Psychiatriques d'obtenir par équivalence le Diplôme d'État d'Infirmier avait été entendue par Simone Veil et elle s'était engagée à y donner suite dès 1994. Processus qui fut entravé notamment par une levée de bouclier des Infirmières Libérales comme si nous allions nous ruer hors des hôpitaux psychiatriques pour leur voler leur patientèle. Elles mirent en avant notre manque de compétences techniques alors qu'elles avaient surtout à craindre de nos compétences relationnelles ! Mais Jacques Chirac succédant à François Mitterrand, changement de gouvernement obligeant, elle ne termina malheureusement pas ce chantier alors qu'elle avait pour notre profession la plus haute estime. Ainsi, suis-je aujourd'hui doublement reconnaissant envers Simone Veil, à titre personnel quant à son action pour les femmes et à titre professionnel pour ce qu'elle a apporté tant à la psychiatrie qu'aux soignants. Depuis, aucun(e) des Ministres de la Santé qui lui succédèrent fut à ce point à notre écoute...

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Jn-Mc

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